Sylvio Berlusconi, le président du Conseil italien, n'a pas mâché ses mots en recevant l'ambassadeur américain à Rome. Il a exigé “le plein respect de la souveraineté de l'Italie par les Etats-Unis”. Après le sombre épisode de la libération de l'otage italienne en Irak, la journaliste Juliana Sgrena, marqué par la mort de l'agent spécial Nicola Calipari dans un barrage de l'armée américaine à Bagdad, la tension monte à nouveau entre Washington et Rome. L'enlèvement de l'imam égyptien de Milan, Osama Mustafa Hassan, dit Abou Omar, par un commando de la CIA, le 17 février 2003, dans les rues de la ville lombarde, revient au-devant de la scène et provoque la colère de Sylvio Berlusconi. C'est un nouveau sujet de tension entre les deux pays. Ayant convoqué l'ambassadeur des Etats-Unis à Rome, vendredi après-midi, le chef du gouvernement italien a demandé des clarifications à ce sujet. Selon un communiqué de la présidence du Conseil italien, “le président du Conseil a présenté l'indispensable exigence du plein respect de la souveraineté italienne de la part des Etats-Unis”. De son côté, le chef de la mission diplomatique américaine a affirmé que “ce respect est plein et total, et qu'il ne manquera pas d'en être de même dans le futur”. Le ministre des Relations avec le Parlement, Carlo Giovanardi, qui avait fait l'annonce de la convocation de l'ambassadeur américain par le Premier ministre italien avait pris le soin de démentir la version américaine sur cette affaire. Ainsi, selon Giovanardi, il est “exclu qu'une opération de ce genre ait été autorisée” par le gouvernement italien et que “les services italiens y aient participé”. De leur côté, les Etats-Unis affirment que la CIA avait averti les services de renseignements italiens avant d'enlever l'imam égyptien en 2003 à Milan. Selon le quotidien leWashington Post, qui cite un ex-collaborateur de l'Agence centrale américaine de renseignements, la CIA “avait informé un certain nombre de personnes” de son plan, mais “certainement pas les magistrats ni la police de Milan”. Saisie, la justice italienne a émis la semaine dernière 13 mandats d'arrêt contre autant de membres de la CIA accusés d'avoir participé à l'enlèvement puis au transfert de l'imam en Egypte, où celui-ci aurait été torturé. Toujours selon des sources issues des services de renseignements que citent le Washington Post, la CIA a mené plus de 100 opérations de ce type depuis les attentats anti-américains du 11 septembre 2001. C'est la deuxième fois en quelques mois que l'ambassadeur américain en Italie est convoqué par Sylvio Berlusconi. Ce dernier, harcelé par l'opinion publique italienne au sujet de l'engagement militaire italien en Irak aux côtés des Etats-Unis, cherche à calmer les esprits en faisant publiquement preuve de fermeté envers les Américains en raison de l'approche d'échéances électorales. Il faut dire qu'il a été sérieusement malmené par la presse italienne à l'instar du Corriere de la Sera, qui a écrit au sujet de l'affaire : “L'éventualité que l'Italie ait couvert l'enlèvement de l'imam égyptien serait grave, mais au moins cela laisserait penser que l'opération n'a pas échappé aux autorités de notre pays” et d'ajouter : “Si, en revanche, les autorités ignoraient tout de l'enlèvement, l'affaire prendrait un aspect déconcertant.” K. ABDELKAMEL