Tout n'a pas été dit sur ces petits travailleurs au noir qui acceptent de faire les travaux pénibles, insalubres et peu rémunérés que la main-d'œuvre locale et citadine refuse d'effectuer. On les retrouve dans toutes les grandes villes où ils sont de 800 000 à 1 300 000. À Oran, ils sont plus de 100 000. Pourquoi viennent-ils dans cette ville ? Parce qu'ils y trouvent du travail. C'est surtout pour des raisons économiques mais surtout en “anonymes” qu'on les accueille à bras ouverts car non déclarés et non assurés, donc corvéables à merci. À Alger, comme à Oran ou à Annaba, tous les experts s'accordent à dire qu'avec eux, les grandes agglomérations urbaines doivent faire face à leur problème social numéro un. Mais à l'arrivée de ces enfants de l'Algérie profonde sur le marché du travail au noir, on oublie trop souvent de tenir compte du développement du flux migratoire interne. Ainsi, en 2002, selon des chiffres “officieux”, on a enregistré 89 000 “admissions” au travail au noir de jeunes dont l'âge ne dépasse guère 14 ans. Avec le développement de la migration familiale, l'exode rural des villageois fuyant leurs douars à cause du terrorisme, ce “recrutement” ne pouvait qu'augmenter. Nous disposons de quelques chiffres pour la première moitié de l'année 2001 où l'on enregistre d'ores et déjà trois tendances : nette poussée de la migration interne, confirmation du recul de la main-d'œuvre locale, sensible poussée de l'immigration clandestine en provenance notamment d'Afrique subsaharienne. Une enquête du ministère du Travail sur les effectifs des établissements privés, de plus dix salariés, au 1er décembre 2001, donne de précieuses indications sur la place que les enfants occupent dans le bâtiment et le commerce. Ainsi, la majorité de ces établissements (52 %) emploie des enfants non assurés qui doivent représenter près de 21% de leurs effectifs totaux de salariés. Ces chiffres peuvent paraître substantiels (et pourtant ils sont fortement minorés, étant donné que les transferts de fonds ne laissent pas toujours de trace), ils ne suffisent pas à apaiser les craintes des chefs d'entreprise sur les avantages qu'ils retirent en définitive de cette main-d'œuvre surexploitée et sous payée. Tout n'a pas été dit sur ces petits travailleurs au noir qui acceptent de faire les travaux pénibles, insalubres et peu rémunérés que la main-d'œuvre locale et citadine refuse d'effectuer. L'exploitation des enfants vient donc combler un “vide” considérable dans notre appareil de production de la petite industrie. De plus, cette main-d'œuvre “illégale” présente des avantages certains pour les “villes d'accueil” : elle est très jeune, surexploitée, sous payée, elle est relativement souple et docile, et surtout elle constitue un volant disponible pour les “employeurs” qui doivent mener à bien des travaux saisonniers ou répondre à un effort momentané de construction immobilière, dans les chantiers qui poussent comme des champignons à l'abri de tout “contrôle”. B. G.