Les informations dont disposent les services de renseignements américains seront présentées par Colin Powell au Conseil de sécurité, pour convaincre le monde de la justesse de sa position. Les Etats-Unis demanderont une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, pour le 5 février prochain, afin de mettre sur la table les preuves qu'ils détiennent contre l'Irak. “Des preuves des sources de renseignement, des communications secrètes et des déclarations de personnes en détention révèlent que Saddam Hussein aide et protège des terroristes, y compris les membres d'El- Qaïda”, a affirmé Bush, dans son discours sur l'état de l'Union, lundi soir au Congrès, devant les deux chambres réunies. Ainsi, le patron de la Maison-blanche compte démontrer que l'Irak est non seulement détenteur d'armes prohibées, mais entretient également des relations avec le terrorisme international, notamment avec des membres d'Al- Qaïda. La décision de Bush de rendre publiques les preuves qu'il possède contre l'Irak intervient après les nombreux appels de personnalités américaines et étrangères pour que les Etats-Unis étayent leurs accusations contre Bagdad, au lieu de dénoncer et menacer sans arguments concrets. Il y a aussi l'opposition grandissante de l'opinion publique américaine à une guerre contre l'Irak, qui a poussé le locataire du bureau oval à réagir de la sorte. Il n'a pas manqué d'énumérer une longue liste des armements matériels et programmes chimiques ou nucléaires illégaux de l'Irak, qu'il s'agisse du bacille de la maladie du charbon (anthrax), de gaz neurotoxiques ou de tubes d'aluminium utilisables pour des armes nucléaires, pour être plus convaincant. En demandant une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, pour le 5 février prochain, le président américain accélère le calendrier, en vue d'une intervention militaire contre l'Irak. Cette date sera, sans aucun doute, déterminante pour l'avenir du régime de Saddam Hussein. En effet, si Colin Powell présente, ce jour-là, des preuves justifiant les accusations que les Etats-Unis ont portées contre Bagdad, Saddam Hussein sera mis au pied du mur. De deux choses l'une, ou il coopère pleinement avec les inspecteurs de l'ONU pour son désarmement effectif, ou il s'expose à une guerre sans merci. En réaction au discours de George Bush, la France, qui s'oppose fermement à une intervention militaire contre Bagdad, se réjouit de l'annonce de la réunion du 5 février, pour la présentation, par les Etats-Unis, des preuves que l'Irak possède des armes de destruction massive. Toute la planète est suspendue à cette réunion du Conseil de sécurité, qui pourrait précipiter les évènements dans le régime du Golfe. K. A. PROGRAMME NUCLEAIRE IRAKIEN Désaccord Bush-El Baradei Les propos tenus à quelques heures d'intervalle par le président américain George Bush et le chef de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El-Baradei, montrent un désaccord important entre les deux hommes concernant le programme nucléaire présumé de l'Irak. Le président américain continue d'accuser Saddam Hussein de mener un programme de production d'armes nucléaires, et le directeur de l'AIEA met l'accent sur l'absence de preuves en ce sens. Dans son discours sur l'état de l'Union, le président Bush a exprimé son inquiétude que le président irakien Saddam Hussein n'ait pas rempli les exigences de la communauté internationale en ce qui concerne le programme (de production) d'armes nucléaires découvert par les inspecteurs de l'Onu dans les années 1990. Depuis, Bush affirme que “le gouvernement britannique a appris que Saddam Hussein avait récemment cherché à se procurer des quantités significatives d'uranium en provenance d'Afrique”. D'après M. Bush, les services de renseignements indiquent que Saddam Hussein n'a pas expliqué de manière crédible ses activités et cache énormément de choses dans le domaine nucléaire. Mohamed El-Baradei a tenu un autre discours, trois heures plus tôt sur la chaîne publique PBS, et insisté sur le fait qu'au cours des huit dernières semaines, les inspecteurs étaient parvenus à éliminer les nombreuses préoccupations sur les ambitions nucléaires irakiennes soulevées par plusieurs pays, dont les Etats-Unis. L'année dernière, le gouvernement américain a dévoilé des photos satellites de nouvelles constructions sur des sites industriels qui faisaient partie du précédent programme nucléaire, y voyant la preuve d'une possible relance du programme nucléaire irakien. “Nous avons pu visiter tous ces sites et vérifier qu'ils ne sont pas utilisés pour des activités nucléaires”, a dit M. El-Baradei. Quand le président américain affirme que ses services de renseignements lui ont rapporté que Saddam Hussein “a essayé d'acheter les tubes d'aluminium hautement résistants correspondant à ceux utilisés pour la production d'armes nucléaires”, le directeur de l'AIEA répond : “pour le moment, nous pensons que ces tubes étaient destinés à des roquettes conventionnelles […] L'enquête continue.” Même réaction en ce qui concerne les accusations liées à l'uranium venant d'Afrique. “Encore une fois, nous enquêtons là-dessus et nous n'avons découvert aucune preuve […] Donc finalement, nous n'avons vu aucune preuve de la relance d'un programme nucléaire en Irak”.