Alors que le dépouillement des bulletins de vote se poursuit, les premiers résultats donnent les chiites grands vainqueurs des législatives qui doivent instaurer l'Irak post-Saddam. La loi des nombres attribue de toutes les façons la majorité à cette communauté, qui a arraché tous les scrutins organisés après la chute de Saddam. La victoire des chiites inquiète au plus point, bien sûr, les Etats-Unis qui craignent un rapprochement entre Bagdad et Téhéran. Les sunnites se sentent eux aussi menacés d'autant que durant l'ère Saddam, ils avaient la partie belle. L'alliance sunnite a contesté avec force les résultats partiels de ces élections, annoncés par la commission électorale et qui placent en tête à Bagdad la liste chiite conservatrice, avec 58,72% des voix, loin devant les 18,9% du Front sunnite de la concorde. “Nous rejetons ces résultats”, a déclaré Adnane al Doulaïmi, l'un des leaders de la liste du Front de la concorde. Très en colère, les sunnites menacent d'exiger la tenue d'un nouveau scrutin ! Les sunnites se prévalent d'un électorat dans la capitale plus important que celui attribué par le décompte des voix. Dans la liste présentée face au chiites de Sadr City, la populeuse banlieue chiite de Bagdad, les sunnites ont décliné toutes leurs sensibilités : de l'islamisme aux démocrates laïcs, en passant par les nationalistes arabes et même des anciens du Baâth de Saddam. Selon les sunnites, 500 000 de leurs voix ont disparu ! Le mouvement Ahl al Iraq rend, d'ores et déjà, responsable la commission électorale des répercussions graves sur la situation sécuritaire et économique. La commission se défend en rappelant qu'il ne s'agit que de résultats partiels et non encore agréés par elle. Le président irakien, le Kurde Jalal Talabani, a minimisé les contestations sunnites, mais faisant part de son inquiétude face à la majorité chiite, il a plaidé en faveur d'un gouvernement élargi aux représentants de toutes les sensibilités politiques dans le pays. “Nous sommes en faveur d'un gouvernement alliant tout le monde, les Arabes qu'ils soient chiites ou sunnites, les Kurdes et les Turcomans”, devait-il déclarer face à l'implacable logique des voix chiites. Pour Talabani, qui rejoint les sunnites et même les Etats-Unis, l'Irak ne peut être gouverné par une majorité qui ignore la minorité. Bush, de son côté, ne désespère pas de voir les chiites travailler pour un gouvernement de consensus. La Maison-Blanche et le Pentagone ferraillent dans cette direction. D. Bouatta