L'Europe vieillit, et il n'est pas inutile de rappeler ce lieu commun quand on parle du “vieux-Continent”. Il ne s'agit pas aussi de faire du mauvais esprit comme s'est laissé tenter George Bush, à court d'argument face aux dirigeants qui ont refusé de le suivre dans son aventure irakienne. L'Europe qui vieillit, c'est surtout une espérance de vie qui s'est allongée en même temps qu'a chuté la natalité. Résultat : les besoins socioéconomiques sont en hausse quand la main-d'œuvre se fait rare. Aux taux actuels de l'immigration, il ne sera pas possible de remplacer la génération “baby-boom” qui se prépare à prendre sa retraite. Entre 2010 et 2030, le déclin de la population active occasionnera une baisse du nombre de travailleurs de 20 millions. Il n'y a donc pas d'autre perspective que d'accueillir de nouveaux immigrés. Et l'UE veut encadrer les flux pour ne pas se retrouver dépassée. C'est, en fait, un dilemme en considération des problèmes d'intégration comme ceux révélés par la crise des banlieues en France. Un dilemme aussi en raison de la peur suscitée par le terrorisme. Le débat est loin d'être consensuel entre les membres de l'UE, séduits par le modèle d'immigration économique américain, et ceux qui veulent les accusations de pillage des cerveaux des pays d'origine. D'ici 2009, la Commission européenne proposera quatre directives d'entrée et de séjour de certaines catégories (travailleurs hautement qualifiés, travailleurs saisonniers, personnes transférées au sein de l'entreprise et stagiaires rémunérés) et devront être adoptées à l'unanimité des 25. Pour les travailleurs saisonniers dans l'agriculture, le bâtiment ou le tourisme, Bruxelles pense à un permis de travail spécial qui permettra de travailler pendant un certain nombre de mois par année. Des cachets d'entrée et de sortie devraient éviter les “abus”. “Si un travailleur a l'assurance de venir chaque année en Italie pour 4 ou 5 mois, il sera découragé d'y rester illégalement”, a expliqué le commissaire à la justice Franco Frattini pour qui cette catégorie “n'est pas en concurrence avec les travailleurs de l'UE”. “Ces propositions visent à réduire le travail illégal qui est le dumping social le plus grave”, renchérit le commissaire aux affaires sociales, Vladimir Spidla. La proposition est déjà quasiment désuète dans le cas de l'Allemagne qui veut remplacer 10% des travailleurs saisonniers étrangers par des demandeurs d'emplois locaux. Plus généralement, les ambitions de Bruxelles se heurtent à la diversité des situations démographiques, d'emploi et d'immigration dans les 25 pays de l'UE. La France, qui a mis fin à ses réserves sur la question des quotas et qui peut camper sur une forte natalité dans un contexte social marqué par un taux de chômage aussi fort, le recours à une main-d'œuvre étrangère “n'est pas une priorité”. “L'effet concret des différents dispositifs d'immigration régulière sur les flux d'immigration clandestine n'a pas été démontré à ce jour”, écrit Paris dans sa réponse à la consultation de Bruxelles. Une manière de dire que l'on aura beau régulariser, il y aura toujours des clandestins. Et une critique de l'Italie et de l'Espagne qui ont entrepris en 2001et 2005 des politiques de régularisations massives. Pour les universitaires d'Afrique du nord et du Moyen-Orient, plus attirés par l'Amérique, semble-t-il, Bruxelles voudrait faire une proposition d'admission accélérée. Et pour se prémunir contre les accusations de “pillage des cerveaux”, elle prône davantage de coopération avec les pays d'origine par l'installation de “migrations temporaires” permettant des allers-retours de part et d'autre de la Méditerranée. La procédure permettra aux bénéficiaires d'avoir un permis de séjour couplé à un permis de travail qui leur permettra de circuler librement en Europe. Yacine KENZY