Liberté : Après plusieurs années d'absence, Shamy revient en Kabylie. Pourquoi ? Shamy : Après une absence de 6 ans, pour des raisons sécuritaires, j'ai commencé à revenir en kabylie depuis 2000. En fait, durant 42 ans d'immigration, je viens régulièrement dans mon pays. Mais le retour de 2001 est particulier… En effet, j'étais venu pour réaliser un documentaire avec lequel je participe à la 6e édition du festival amazigh. Comment est né le projet ? Tout a commencé par la proposition d'une boite française ayant voulu faire un portrait de moi en tant qu'artiste et écrivain. N'ayant pas eu la même vision des choses, j'ai préféré co-réaliser le film avec Nadia Dallal. Comment étaient les conditions de tournage ? J'ai tourné dans la clandestinité. Les conditions sécuritaires étaient très difficiles. Nous avons failli perdre la vie à plusieurs reprises. Le film est anti-pouvoir, pourtant il est montré dans une manifestation parrainée par le même pouvoir… Il serait malheureux de confondre l'Etat et le pouvoir. L'Etat c'est nous tous en tant que citoyens, alors que le pouvoir est constitué de décideurs qui considèrent l'Etat comme leur propriété. Le festival répond donc à vos attentes ? Cela dépasse mon imagination et mes espoirs. C'est à travers ce genre de manifestations et de rencontres que nous pourrons développer et enrichir notre patrimoine intellectuel et humain. Je trouve que les organisateurs du HCA sont extraordinaires par leur patience, rigueur et efforts afin de mener à bout cette fantastique aventure cinématographique qui est lourde à gérer. Que reste-t-il du mythique groupe les Abranis ? Notre dernier album, réalisé à Alger, remonte à 1993. Depuis, nous n'avons pas eu de projets pour plusieurs raisons. Votre militantisme s'exprime aussi, depuis presque un demi-siècle, surtout par la production intellectuelle : musique, livre, films… Quel regard jetez-vous sur ce temps passé ? Il est vrai que j'ai touché à beaucoup de choses. Avec mon groupe, on a enregistré 6 albums, plusieurs 45 tours et 33 tours. nous avons écumé les scènes européennes et nord-africaines et ce, durant plus de 20 ans. pour moi, cela reste l'une des plus belles aventures amicales et musicales de ma vie avec Sid, Mohamed, Tahar et Karim. J'ai publié une vingtaine de livres et réalisé un film. Je trouve que j'aurais pu faire davantage et mieux. Vous êtes aussi producteur et auteur de contes… pourquoi cet intérêt pour l'enfance ? Cela s'inscrit dans mon élan naturel de transmission de ce que j'ai appris de la bouche de mes grands-parents. La transmission de la mémoire est le devoir de tout un chacun. Enfant, je connaissais déjà plus d'une centaine de contes. Aussi, cela me permet de donner quelques repères aux enfants de l'émigration cernés par la télévision et la société moderne. Bio Express Abdelkader Chemini, alias Shamy, est né à Legradje dans la wilaya de Sétif en octobre 1944, berger et enfant de la terre, il quitte l'Algérie en 1962 pour se faire soigner en France suite aux séquelles de la guerre. Après 2 ans d'hospitalisation et plusieurs opérations chirurgicales, il a commencé à suivre des cours du soir. En 1965, avec Karim, il a créé le mythique groupes Les Abranis. Depuis, il n'a jamais cessé de composer, d'écrire, de réaliser… EN 2004, il réalise son premier documentaire qui, après avoir été projeté dans plusieurs pays européens, il concourt pour l'obtention de l'olivier d'or. Tahar Houchi