L'augmentation des salaires et le statut de l'enseignant sont les principales revendications. Forte d'une base de plus d'un demi-million de travailleurs, la coordination intersyndicale de l'éducation nationale compte sur la pleine réussite des deux journées de grève des 15 et 16 janvier prochains pour amener le ministère de tutelle à la table des négociations. Au cours d'une conférence de presse tenue hier au siège de l'Union nationale des personnels de l'éducation et de la formation (UNPEF), les initiateurs de cette action, dont leur hôte, ont exprimé leur détermination à obtenir gain de cause, quitte à engager des actions supplémentaires si le département de Boubekeur Benbouzid persiste dans l'indifférence. La démarcation annoncée dans la matinée par le syndicat national des travailleurs de l'éducation (SNTE), qui observe la grève mais pour des raisons différentes (?!), et le divorce de Méziane Mériane, lequel après avoir démissionné de son poste de coordinateur national du Cnapest (le Conseil national des professeurs de l'enseignement secondaire) a décidé de créer sa propre organisation, n'ont pas entamé la résolution de la coordination. MM. Ider, Lemdani, Osmane, Sadali et Bekhouche, représentant respectivement l'UNPEF, le Cnapest, le CLA (Coordination des lycées d'Alger), le Satef (Syndicat algérien des travailleurs de l'éducation et de la formation) et le Sete (Syndicat d'entreprise des travailleurs de l'éducation de Béjaïa, affilié à l'UGTA) n'ont aucunement été ébranlés par ces désistements. Selon eux, le désistement du Satef et le renoncement de Mériane révèlent les tentatives de la tutelle visant à diviser le mouvement. “Notre coordination fait peur au ministre. Ce ne sont pas les deux journées de grève qui l'effraient, mais la dynamique que nous avons mise en place”, observe M. Lamdani. Cet élan de solidarité syndicale a même fait un effet dans les rangs du syndicat officiel, la fédération UGTA où pas moins de 26 bureaux de wilaya ont appuyé le mot d'ordre de grève. “Aujourd'hui encore, nous lançons un appel solennel à la FNTE pour se joindre à nous”, soutient M. Osmane. Cependant, cette invite risque fort de demeurer sans écho, compte tenu de la rigidité qui caractérise l'appareil syndical. “Il y a des blocages qui empêchent la base de prendre des initiatives”, souligne M. Bekhouche, sauf peut-être à Béjaïa où le Sete se distingue par son indocilité. “Notre participation à la grève a été décidée par 400 travailleurs”, s'enorgueillit le SG. Depuis une quinzaine d'années, il se bat avec ses camarades contre les mêmes problèmes, de sempiternelles revendications dont la coordination a agrémenté le préavis de grève qu'elle a adressé hier à la tutelle. L'augmentation des salaires, la promulgation d'un statut particulier dans le cadre du statut général de la fonction publique, la revalorisation de la retraite à hauteur de 100% et le respect du libre exercice syndical et du droit de grève sont les quatre points motivant la contestation. Si par le passé, les syndicats ont milité chacun en faveur d'une catégorie professionnelle particulière, leur action commune ne tolère aucune exclusion. “Le ministère n'a plus affaire au CLA ou au Cnapest seuls ; au sein de la coordination, nous représentons tous les paliers et l'ensemble des personnels”, note M. Osmane. Sans doute, le sort de l'enseignant est-il plus préoccupant dans la mesure où il est le socle du système éducatif. “Nous ne pouvons plus parler de réformes sans améliorer les conditions de vie des enseignants. Quand l'école n'attire plus les compétences, elle meurt”, explique M. Ider. Le patron de l'UNPEF assure que les revendications défendues s'inscrivent d'abord dans l'intérêt des élèves. “Nous ne voulons plus d'enseignants qui sont présents de corps dans les salles de classe mais qui ont l'esprit ailleurs”, s'insurge-t-il. S'inspirant de son cas personnel (proviseur ayant 30 ans d'expérience et touchant à peine 28 000 dinars ), M. Ider considère que la coordination “pose des problèmes de fond”. Lui emboîtant le pas, le secrétaire général du Satef rappelle que les traitements des enseignants n'ont pas connu de relèvement depuis 1997. Brandissant deux exemplaires de projets de statut de la fonction publique, l'un datant de 1995 et l'autre de 1998 (jamais adoptés), il tient là une seconde preuve de l'indifférence des pouvoirs publics à la condition des enseignants et des corps communs du secteur. “Les travailleurs ne peuvent plus supporter le comportement arrogant du ministère”, tonne Lemdani qui, à l'instar de ses camarades, compte “maintenir la pression”. Complètement investis dans leur action, les membres de la coordination ne tiennent compte d'aucune intimidation. S'exprimant sur la circulaire du ministre notifiant aux directeurs d'établissement son refus d'exercer une activité syndicale, M. Ider très ironique affirme que “Benbouzid applique la loi comme il veut. Il viole la constitution quand il s'agit d'interdire aux directeurs d'école d'être syndicalistes, mais nous demande des préavis de grève”. SAMIA LOKMANE