“Non, nous ne voulons pas être sollicités et invités uniquement lors de célébrations ou manifestations”, scandent tout haut les non-voyants de la wilaya d'Adrar. “Nous sommes entièrement marginalisés, oubliés”, nous confie M. Bensoudan Abdelaâli, président de l'association. “Avec une pension mensuelle de 1 000 DA, comment voulez-vous qu'on parvienne à joindre les deux bouts. Nous aussi, nous avons le droit de vivre. L'intégration dans la société est pénible, fastidieuse et décourageante. Aucun soutien n'est fourni à l'association. Les postes d'emploi représentent un véritable mirage”, ajoute-t-il. 1 650 non-voyants sont recensés à travers la wilaya. Seuls 4 d'entre eux ont la chance d'occuper un emploi. L'atelier qu'ils possédaient et qui fabriquait des balais est fermé pour diverses raisons. Quant au local, siège de ladite association, complètement vétuste et délabré, il représente un calvaire quotidien pour “ces aveugles”. “Moi aussi, je veux avoir un foyer, nous avoue Slimane, fonder une famille. Mais, faute de moyens matériels et d'emploi stable, je me contente d'attendre, mais l'attente risque d'être longue et mes espoirs ruinés.” Un autre non-voyant de la daïra de Tinerkouk, Abdelkader, nous révèle : “Je viens d'acquérir un logement dont il faut payer les traites et ma situation financière ne le permet pas. Encore un rêve, celui d'offrir un toit à mes enfants, qui risque de s'envoler, de s'évanouir et de s'estomper.” Ils sont nombreux à vivre les mêmes contraintes, les mêmes ambiguïtés de la vie quotidienne. Cantonnés dans leur univers obscur, ils continuent de vivre avec cette lueur d'espoir, aussi minime soit-elle, de prétendre un jour à une vie plus décente, à une meilleure reconnaissance, un soutien à leur association et à des débouchés dans le monde du travail afin de mener une vie plus active qui leur permettrait de sortir de l'anonymat et de croire indubitablement en leur pays et en leur avenir. M. E. Safi