Collo, comme toutes les anciennes villes du pays, a ses propres traditions pour célébrer la fête de l'Aïd el Adha, appelée aussi Aïd El Kebir. La veille, les Colliotes entament les ultimes préparations pour célébrer l'une des fêtes les plus prisées, certes, mais qui risque avec les effets conjugués du temps et des mouvements des populations de se voir vider de ses essences. L'après-midi est consacré par les femmes de la cité à la préparation de khobz eddar, un pain traditionnel à base de semoule, de l'huile végétale, de djeldjelania et de zeraraâ (“sinoudj”). Le jour j, à l'aube, les doyennes des femmes se lèvent tôt pour le rituel du “tebllel”. La préparation de la pâte des crêpes traditionnelles el korsa ou el baghrir. El korsa est un met qui est confectionné, selon la tradition, pour marquer les moments de joie comme les fêtes religieuses, les réussites socio-professionnelles, l'enrichissement… À l'heure de la prière de l'Aïd, la pâte est mise sur feu pour être servie plus tard en guise de déjeuner sucré. Après la prière et la visite des cimetières par les hommes, ces derniers procèdent à l'abattage du mouton selon un rituel bien défini. Celui qui se charge de cette tâche, à l'inverse de celui à qui revient la mission de disséquer l'animal, doit pratiquer la prière. À Collo, et jusqu'aux années 1980, l'après-midi du jour de l'Aïd a toujours été consacré à la séance de cinéma. Il arrive que des Colliotes ne fréquentent le cinéma Louis avant la puberté que les jours de l'Aïd. Au dîner de ce premier jour, le repas est aussi à base d'abats. C'est généralement la délicieuse osbana avec comme pâte d'accompagnement la m'kartefa (trida à Constantine). Le deuxième jour de l'Aïd est consacré à la visite du cimetière et au découpage de la bête sacrifiée. Les femmes à Collo, à l'occasion des deux Aïd, ne se rendent jamais le premier jour au cimetière. De retour de ces lieux où reposent des êtres chers perdus, on procède au découpage du mouton. C'est à ce moment-là qu'on réserve la partie de la bête destinée à offrir à ceux qui sont dans le besoin. Avec ce geste de la saddaka se terminent les festivités de l'Aïd el Kebir, un rituel qui date de l'époque de “Sidna Ibrahim”, le père de la nation musulmane. Mourad KEZZAR