Le juge Robert Henry a, lors de sa conférence tenue hier à l'école supérieure de la magistrature, affirmé que “la loi n'a de force qu'avec des magistrats indépendants”. Le système judiciaire américain est particulier, voire complexe. Le pouvoir judiciaire se compose en réalité d'une multitude de “systèmes autonomes”. Il existe un appareil fédéral divisé en plusieurs unités géographiques. Mais, chaque Etat possède également sa propre organisation judiciaire, dotée d'un réseau de tribunaux locaux. Selon la Constitution américaine, article 3, le pouvoir judiciaire est incarné par une Cour suprême unique et par les tribunaux du 1er degré (tribunaux inférieurs), “qui peuvent de temps à autre être instaurés par le Congrès”. Les juges de cette cour, mais également ceux des cours d'appel de circuit et des tribunaux de district, sont nommés par le président des Etats-Unis et confirmés par le Sénat. Ce système judiciaire basé sur les jugements par jury est sûrement loin d'être parfait. Seulement, il présente l'avantage d'être indépendant du pouvoir exécutif. Il a su en quelque sorte s'inspirer des modèles français (la séparation des pouvoirs) et anglais (l'indépendance des juges), et afficher sa particularité. Pour les Américains, l'indépendance de la justice est importante à leurs yeux. Hier, M. Robert Henry, juge à la cour d'appel des Etats-Unis en visite à Alger, a relevé que l'indépendance judiciaire dans son pays est confortée par “la présence dans les prétoires de la presse et du grand public”, un “excellent moyen” de contrôler le système. L'invité est venu dans le cadre de la coopération judiciaire entre l'Ecole supérieure algérienne de la magistrature et l'association américaine des juges pour animer, pendant trois jours, des conférences sur l'indépendance de la justice et la déontologie. Selon lui, “la loi n'a de force et ne peut être appliquée qu'avec des juges indépendants”. Des juges qui “ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent”, a-t-il précisé, puisqu'ils sont appelés à exclure de leur esprit “les jugements personnels et (à) se conformer à la loi”. Robert Henry a rappelé qu'aux USA des “enquêtes poussées” sont menées par les médias sur la vie et la carrière des juges. Il a estimé que le rôle joué par la presse contribue grandement à l'indépendance de la justice. Il a, par ailleurs, déclaré que le recrutement d'un juge fédéral exige au préalable des enquêtes faites par le FBI, la commission juridique du Sénat, ainsi que l'Association des syndicats des juges américains (ABA) qui, elle, donne un avis sur “la qualification” du juge en question. M. Henry a aussi indiqué qu'il existe 1 000 juges fédéraux aux Etats-Unis et que la Cour suprême ne peut dépasser 10 affaires par an. À propos des grandes affaires, l'avis de la Cour suprême équivaut à une jurisprudence, a-t-il ajouté. Interrogé sur l'affaire Guantanamo et les affaires de terrorisme en général qui ont fait l'objet de lois d'exception, le conférencier a reconnu qu'elles ont suscité “une polémique”. Mais, il préviendra qu'elles ne sont plus marquées du caractère tabou puisqu'elles bénéficient de plus en plus de procès équitables, conformes aux lois américaines. Comment destituer un juge US ? Aux USA, le conseil d'organisation judiciaire, établi par le Congrès, représente “l'organe central” qui élabore les politiques du pouvoir judiciaire fédéral au niveau national. Il est présidé par le président de la Cour suprême et comprend les présidents de chaque cour d'appel de circuit, un juge de district par circuit régional et le président du tribunal de commerce international. Dans le système fédéral américain, un juge ne peut être destitué que si le Sénat en décide ainsi, à l'issue d'une procédure de mise en accusation. Mais, indépendamment de cela, il existe “un mécanisme de discipline” invoqué pour sanctionner ou réprimander un juge ayant commis une faute. Il existe cependant dans certains Etats des Etats-Unis des commissions judiciaires habilitées à destituer les juges ; ces commissions sont composées seulement de simples citoyens. Un juge américain peut s'enrichir Dans le système fédéral américain, les juges peuvent gagner de l'argent, en plus de leur salaire, lequel est limité par la loi fédérale. Le code de conduite judiciaire note à ce propos que “le juge peut rédiger des articles, faire des exposés, enseigner des cours et faire des conférences sur des sujets non juridiques, et participer à des activités artistiques, sportives ou à caractère social et récréatif, mais sans qu'il y ait conflit avec ses devoirs judiciaires”. Pour gagner cet argent, le juge doit avoir la permission préalable du président du tribunal où il siège. H. A..