Bien avant que le dîner soit prêt, Rabiha a eu le temps de se renseigner sur lui. Elle sait que Lotfi a quarante-trois ans. Il est marié et père de deux enfants. Il est en froid avec sa femme depuis quelques mois. Pour quelle raison, il ne le dit pas. Mais elle n'a pas besoin de savoir. Elle ne lui pose pas la question. Tout ce qui compte pour elle est qu'il ne soit plus avec elle. Il est là, à l'écouter, à sympathiser avec elle. - J'ai loué un appartement à Alger. Au rythme où vont les choses, je crois que nous allons divorcer, lui dit-il. On n'en a pas encore parlé mais je sais que c'est inévitable. Mayssa les rejoint au salon. Rabiha lui sourit, remarquant le regard que lui a lancé Lotfi. Ses yeux brillent d'admiration. - Le dîner est prêt ? demande Rabiha. - Oui. Si vous voulez passer à table, propose Mayssa. Comme ça, il aura le temps de repartir. - Bien. Passons à table. Mayssa les précède au salon et attend qu'ils la rejoignent pour servir. Elle a préparé un dîner tout simple. Une chorba, des frites et de la salade. Lotfi fait honneur au dîner, il mange de tout. - C'est délicieux, la complimente- t-il. Je reviendrai bien une autre fois. - On te recevra avec plaisir, répond Rabiha. - Vous prendrez bien un dessert ou du café ? propose Mayssa. - Oui, une tasse de café ne sera pas de refus, répond Lotfi. Ils retournent au salon et Mayssa, cette fois, après lui avoir servi une tasse de café, reste avec eux. Ils discutent de tout et de rien. Pendant longtemps, au grand plaisir de sa mère. Il est près de 22 heures quand il se décide à partir. Rabiha l'aurait retenu pour la nuit si Mayssa n'était pas restée avec eux. - Il faudra revenir, lui dit-elle. La porte t'est grande ouverte. J'apprécie beaucoup ta présence. Même Mayssa. - Si elle est d'accord, j'aimerais l'inviter, dit-il. Si vous êtes d'accord ? - Et comment ! s'écrie-t-elle. Cela lui fera du bien. Elle passe son temps entre moi et son travail. Alors qu'elle a besoin de se détendre. Pourquoi ne pas programmer une sortie ce jeudi ? - Maman ! - Ou l'autre jeudi ? ajoute-t-elle. - Maman, je travaille. - On sortira un jour où elle n'aura pas de travail, dit Lotfi. J'appellerais pour savoir quand. Rabiha ne trouve pas mieux que de lui remettre le numéro de portable de Mayssa. - Comme ça, tu pourras la joindre à tout moment. Lotfi ne tarde pas à prendre congé d'elles. Mayssa n'est pas fâchée mais elle ne comprend pas pourquoi sa mère insiste tant pour qu'il fasse partie de leur vie. Et cette invitation à sortir ensemble ? - Tu crois que je ne sais pas sortir toute seule, lui dit-elle. Ils sont nombreux à m'inviter et si je refuse, c'est parce que je n'en ai pas envie. - Je veux bien te croire, répond Rabiha. Mais Lotfi est quelqu'un de bien. J'aime vous voir ensemble. C'est pourquoi je lui ai demandé de t'emmener. - Tu aurais pu lui laisser l'initiative. Pourquoi m'imposer à lui ? Il aurait pu refuser. Tu voulais m'humilier ? - Jamais. C'est vraiment quelqu'un de bien, insiste Rabiha. Je l'aime bien. La jeune femme sent combien elle est attachée à lui. Elle ne veut pas la contrarier et n'insiste pas. S'il l'appelle, elle ne refusera pas la sortie. Elle prie au fond d'elle même pour qu'il ne l'appelle pas. Pourtant, dès le lendemain, elle est surprise d'entendre le téléphone sonner, de bon matin. C'est Lotfi. Elle voudrait ignorer l'appel. Elle l'aurait certainement fait si sa mère ne la pressait pas de répondre. (À suivre) A. K.