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Nicolas Sarkis. Expert et directeur de la revue Le Pétrole et le Gaz Arabes « La chute des prix fait perdre à l'OPEP 500 millions de dollars par jour »
Les cours du pétrole ont enregistré depuis deux mois une baisse de 25%. Ils ont perdu plus de 17 dollars. Malgré cette chute vertigineuse, les membres de l'OPEP tergiversent pour prendre une décision formelle à même de stopper cette dégringolade. Nicolas Sarkis, expert pétrolier et directeur de la revue Le Pétrole et le Gaz Arabes nous donne dans cet entretien son analyse sur la situation actuelle et les enjeux qui se cachent derrière. On assiste à une dégringolade des cours du brut depuis des semaines. Comment, d'après vous, va évoluer le marché international du pétrole à court terme ? Une chute brutale des prix est-elle possible ? De son record, en valeur nominale, de 78,30 dollars le baril le 7 août, le prix du brut américain WTI sur le marché à terme est tombé à 58,10 dollars hier, soit une baisse de 25,8% ou 20,20 dollars le baril en l'espace de deux mois. Pour les pays membres de l'OPEP, cette chute représente une perte de plus de 500 millions de dollars par jour. Les raisons de cette baisse résident pour l'essentiel dans l'excédent de l'offre par rapport à la demande, dans l'augmentation des stocks dans les pays consommateurs, augmentation qui résulte évidemment du surplus de l'offre, et d'un apaisement relatif des tensions d'ordre géopolitique. Une autre cause majeure, qui a accéléré la chute du prix, a été le fait que l'OPEP s'est abstenue de décider une baisse de sa production lors de sa dernière réunion du 11 septembre à Vienne. Cette absence de décision a été perçue par le marché comme un feu vert à la poursuite de la surproduction et à la baisse des prix, ce qui a inversé les anticipations des spéculateurs qui pèsent d'un poids considérable sur les marchés à terme. Pour l'avenir immédiat, et aussi longtemps que l'OPEP n'aura pas mis en vigueur une baisse de sa production effective d'au moins un million de barils par jour, la tendance à la baisse de prix sera toujours là. A votre avis, pourquoi les membres de l'OPEP n'arrivent-ils pas à s'entendre sur une réunion d'urgence afin de décider une baisse de leur production ? Est-il possible que certains membres ne souhaitent pas prendre la décision de baisser la production ? Quels en sont, dans la conjoncture internationale actuelle, les enjeux en présence ? Les pays de l'OPEP n'arrivent pas à s'entendre pour deux raisons. La première est que certains d'entre eux veulent rester dans les bonnes grâces des Etats-Unis, surtout pendant cette période préélectorale très importante pour l'Administration Bush. La seconde est que la plupart des pays exportateurs subissent une sorte de terreur intellectuelle, fruit d'une campagne selon laquelle les prix du pétrole auraient atteint des niveaux trop élevés et risqueraient de briser la croissance économique mondiale. Il a fallu que le président du groupe Eni rappelle dernièrement que le prix du pétrole est tout à fait raisonnable et qu'il ne dépasse pas la moitié du prix du Coca-Cola qui, lui, n'est pas une ressource qui s'épuise comme le pétrole. Par ailleurs, et selon les calculs de l'OPEP elle-même, le prix moyen des pétroles OPEP n'a pas dépassé en 2005, en valeur réelle et en dollars 1973, 10,42 dollars le baril contre 15,93 dollars en 1982 ! Dire que les prix du pétrole sont trop élevés est un non-sens. Pire, c'est un mythe qui entretient l'illusion d'abondance du pétrole et incite les pays consommateurs à la politique de l'autruche, qui masque la nécessité de procéder à des investissements colossaux pour développer les capacités de production nécessaires à la couverture des besoins croissants en énergie dans les pays industrialisés, dans les pays émergents et dans les pays exportateurs eux-mêmes.