Annaba, Skikda et Jijel sont en tête de liste des villes qui enregistrent une recrudescence inquiétante de la criminalité. Le taux a augmenté de 14%. Quelque 21 000 personnes ont été arrêtées en 2005. Les statistiques sont loin de refléter la réalité. En d'autres termes, les centres urbains vivent une situation critique en matière de criminalité. Nous avons accompagné les éléments de la gendarmerie dans des descentes à travers les quartiers réputés chauds de la ville de Annaba. Une ville morte en cette période de l'année. Une nuit glaciale de janvier obligeant les gens à regagner leurs chaudes demeures. Le fameux “cours Britania” est totalement désert à 19h. Le cortège, fort de plusieurs Toyota, prend le chemin de la brigade de Saint-Cloud où deux affaires devaient être relatées lors d'un point de presse avant de lancer l'opération descentes pour laquelle 200 gendarmes ont été mobilisés avec les moyens nécessaires y compris les brigades cynophiles pour la détection de stupéfiants. De Chapuis à Seraïdi, histoire d'un viol S. B. est un jeune homme de 30 ans. D'apparence rien d'anormal chez ce chauffeur de taxi clandestin si ce n'est un peu de timidité mal à propos les gendarmes l'ayant arrêté dans la journée pour une histoire de viol commis sur une quinquagénaire (M. F.). Cette dernière, qui a déposé une plainte contre lui, est arrivée de Constantine pour se payer du bon temps dans les boîtes de nuit de la côte bônoise. S. B., en qualité de chauffeur au service de la dame, n'avait qu'à exécuter ses ordres avec l'engagement de cette dernière de le payer rubis sur l'ongle en fin de “mission”. Du littoral à la montagne, ils quittent ensemble Chapuis pour Seraïdi. C'est l'endroit que choisit le violeur pour débrider ses instincts. Sous la menace d'une arme blanche, il oblige sa victime à céder à ses avances non sans la délester de ses bijoux et d'une somme de 20 000 DA. Au niveau de la brigade, le violeur reconnaît travailler comme chauffeur de taxi clandestin mais nie en revanche les faits liés au viol et l'extorsion de bijoux et d'argent, précisant que la dame était consentante. Le mis en cause sera présenté devant le procureur. Le brigadier a également présenté une deuxième affaire où sont impliquées trois personnes pour vol qualifié et association de malfaiteurs. Nous quittons la brigade pour entamer la tournée des coins réputés “chauds”. “Sebaa R'goud” ou la colline des sept dormants domine la Coquette. Endroit retiré, il est privilégié par les consommateurs de drogue et d'alcool. À notre arrivée, trois véhicules sont passés au peigne fin. Sur les lieux, les torches éclairent des restes de victuailles et des “cadavres” de boissons alcoolisées laissés à la hâte. Une dizaine de personnes seront interpellées pour conduite en état d'ivresse et détention de stupéfiants et de psychotropes. En dehors de l'été, les lieux de plaisirs restent quasiment déserts. Les cabarets n'affichent pas complet et les amateurs ne se bousculent pas au portillon quand bien même les patrons sont avenants. À Sidi Achour, le propriétaire de la “Belle Etoile” quelque peu contrarié au début finit par coopérer avec les gendarmes et nous offre de l'eau minérale tout en vantant son établissement. “Non seulement nous respectons la réglementation mais en plus nous considérons que notre établissement est le plus propre de la région. Tout ce qui manque ce sont des touristes”, dira-t-il. Les éléments de la brigade n'enregistrent aucune infraction. L'un des officiers fera remarquer que ce genre de contrôle est nécessaire pour dissuader les contrevenants en matière de gestion de ce type de commerce. Dehors deux “pin-up” qui venaient d'être interpellées pour vérification d'identité évitent les photographes. Saison morte pour “Lamba el hamra” À Reffes Zehouane (Toche), les boîtes de nuit se suivent mais ne se ressemblent pas. C'est vrai qu'en comparaison avec l'été, l'état des lieux est totalement différent. Mais quoi que l'on dise, les invétérés n'ont pas de saison pourvu que les “cheikhate” chantent, la gasba et le bendir envoûtent et les filles de joie tiennent compagnie. “La Bavaroise” fera le reste pour une veillée dans l'ambiance. Les belles de nuit viennent de partout. Pour certaines, elles ne font que transiter. “Passage obligé pour gagner ma vie”, raconte cette dame venue de Guelma. Divorcée, elle a quatre enfants à charge. Le même train de vie depuis vingt ans. De boîte en boîte jusqu'à ne plus attirer les hommes. Triste vie pour ces femmes furtives. Les gendarmes investissent tous les coins sous les ordres du commandant de groupement qui ordonne à l'orchestre d'arrêter de jouer le temps de procéder au contrôle d'usage. Un homme d'un certain âge nous regarde d'un air inquiet en tirant nerveusement sur sa cigarette. Pour lui “Lamba el hamra” (lumière tamisée) fait partie de sa vie nocturne depuis trente ans. Il a tourné le dos à la vie de famille pour vivre en noctambule. Nous quittons les lieux en souhaitant bonne continuation à tous les présents. Les femmes nous gratifient d'un large sourire. “Chems El Hamra” (soleil rouge) a une réputation qui dépasse Annaba. Cet établissement est connu de tous les amateurs qu'ils soient de l'est, du centre ou de l'ouest du pays. C'est le même topo que pour les autres cabarets. Il y a peu de monde alors qu'en été, l'établissement grouille de monde. Le contrôle d'identité des serveuses n'était pas pour plaire notamment au patron qui finit par manifester sa colère. “Pourquoi on ne contrôle pas Rym El Djamil ?” lance M. Harrez. Il est clair que l'hôtel cité est un établissement tranquille et très correct. De plus il n'a même pas de bar. Il est 23h quand les véhicules entrent dans la place d'armes. Des silhouettes se profilent sous la lumière des phares. Des jeunes courent à la vue des véhicules. Après une course effrénée, on s'arrête devant un taxiphone dont le rideau est à moitié baissé, quatre jeunes sont interpellés dont un déserteur de l'armée. Plus bas, au niveau des arcades, d'autres jeunes sont contrôlés. Le teint blafard, ils clament leur innocence. Les formalités sont quand même appliquées par les gendarmes. Nous rentrons à l'hôtel où un point de presse est donné par le lieutenant colonel Toufik Douar. Les descentes se sont soldées par 195 interpellations. 25 personnes ont été arrêtées dont 3 recherchées, 8 pour détention et usage de stupéfiants, 8 pour port d'arme prohibée et 6 pour détention de bombe lacrymogène. Avant notre départ sur Constantine nous avons profité pour faire un tour en ville, histoire de prendre le pouls auprès de la population. Beaucoup de citoyens nous ont fait part du manque de sécurité dans leurs cités. L'un d'eux raconte que la mode est actuellement au vol de téléphones portables. “Pas plus tard qu'hier une jeune fille s'est fait voler Samsung en un clin d'œil. Elle n'a même pas eu le temps de réagir que le complice du voleur l'a menacée avec un couteau. C'était juste là à l'entrée de la place d'Armes.” Un autre parle de son quartier Didouche-Mourad où on vole et agresse en toute impunité. “Incroyable mais vrai. Il y a quelques jours des policiers étaient venus pour arrêter un malfaiteur. En lui passant les menottes ils sont entourés par une bande qui réclame qu'on le libère sur le champs. Les agents ont préféré déguerpir. Comment voulez-vous assurer la sécurité des citoyens ? Et dire que l'action s'est passée à cinquante mètres du commissariat. Il n'est plus possible de circuler dans certains endroits de la ville sans risque d'être agressé”, dit-il. Heureusement, qu'à Annaba il y a parallèlement beaucoup de bonnes choses comme ce restaurant “La Citadelle” situé entre Saf Saf et Didouche-Mourad. Un établissement tout mignon pour une vingtaine de couverts et où on mange surtout bien. Des spécialités de poissons à faire pâlir les plus grands restaurants d'Alger. Du filet de merlan à la crevette royale en sauce relevée en passant par la fameuse “kamounya”, c'est un véritable régal pour le palais. La qualité est indiscutablement certifiée frais. Le tout dans une ambiance de famille. Saïd le patron ne cache pas sa fierté en parlant de son établissement fréquenté par les cadres de la ville. “Mon rêve est d'avoir un peu plus d'espace pour mieux gâter ma clientèle”, confie ce petit homme aux goûts d'Italien. On lui promet de venir manger chez lui à chaque fois que l'occasion se présente tout en espérant bien sûr que les citoyens de Annaba s'impliquent davantage dans la lutte contre la criminalité. Recrudescence des crimes et délits à l'est du pays Le commandement de la Ve Région de la Gendarmerie nationale a enregistré 23 591 crimes et délits sous leurs différentes formes en 2005 soit une augmentation de 12% comparativement à 2004. C'est ce qu'a déclaré lors du point de presse le colonel Ahmed Tewfik Mammeri, commandant la Ve région assisté de ses proches collaborateurs (état-major, inspection générale, sécurité publique). Il faut savoir que cette région regroupe 15 wilayas, 178 daïras et 491 communes. Elle couvre un territoire de 80 726,96 km2 dont 12% urbain et 88% rural et une population avoisinant 10,5 millions d'habitants. 582 crimes contre les personnes et les biens ont été commis en 2005 dont Skikda et Jijel détiennent la première et deuxième places. Pour ce qui est des crimes contre les mœurs, Sétif se place en première position avec 34 crimes suivie de Skikda et Mila (22 crimes chacune). Jijel pour sa part occupe la tête des wilayas (83 délits), suivie de Tébessa et Mila (55 délits chacune), alors que Souk Ahras détient la première position en matière de crime économique avec 13 crimes. Le conférencier fera constater que le nombre de personnes arrêtées en 2005 (21 589) a augmenté de 14% par rapport à 2004. En revanche, les affaires traitées liées aux stupéfiants (447) ont connu une baisse de 4% par rapport à 2004 et ce, grâce à une lutte sans merci au niveau de la frontière avec la Tunisie. Une importante saisie de Rivotril (clonazépam), un tranquillisant utilisé par les criminels pour endormir leurs victimes, a été opérée à El Tarf. Le colonel Mammeri devait insister quant au volet contrebande sur les inégalités flagrantes des produits allant vers et venant de la Tunisie. “On leur fournit du cheptel et des produits stratégiques et on ramène des pâtes alimentaires, du concentré de tomates et de la friperie. Tout récemment c'est l'olive qui fait l'objet de contrebande vers ce pays voisin. Un déficit que les Tunisiens veulent combler avec l'Italie en raison d'une mauvaise saison.” Au chapitre foncier, le territoire sous la couverture de la Ve région comprend 21 626 exploitations agricoles dont 6 840 EAC et 14 786 EAI. 8 311 PV dont 7 237 ont été transmis à la justice. 12 495 PV n'ont pas encore été transmis. S'agissant d'un dossier pris en charge par l'Etat et confié à la Gendarmerie nationale pour enquête, le colonel Mammeri a fait savoir qu'“une expertise a été demandée”. De la lutte contre la corruption, il dira que 8 affaires ont été traitées en 2005. A. F.