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Des prix bas, jamais atteints
Le marché de la volaille traverse une grave crise
Publié dans Liberté le 09 - 02 - 2006

La psychose de la crise aviaire se répercute sur la consommation de la volaille et sanctionne ainsi les éleveurs. Les responsables du contrôle se montrent pourtant rassurants car la volaille algérienne est indemne.
Le marché de la volaille traverse ces derniers jours une crise sans précédent. Boudé par les consommateurs, le poulet connaît une chute de prix jamais inégalée. Les marchands de volaille ne trouvent pas d'acheteurs, quand bien même ils proposent le poulet à 130 DA le kilo. “Les consommateurs refusent de manger la chair de poulet. Ils ont peur de la grippe aviaire. Cela se répercute sur toute la chaîne du secteur de la volaille. Les éleveurs et les différents intervenants sont frappés de plein fouet par cette crise sans précédent”, affirme un commerçant tenant un magasin au marché de Bab El-Oued. Effectivement, les acheteurs évitent les magasins de la volaille et lorsque quelqu'un ose franchir le seuil, c'est surtout pour acheter les œufs. “J'ai lu sur les journaux que la maladie n'est pas transmissible par la consommation des œufs. D'ailleurs c'est pourquoi le prix des œufs n'a pas connu de baisse”, soutient un acheteur rencontré dans un magasin de Bab El-Oued. Pour attirer la clientèle, les marchands proposent des poulets à la pièce non selon le poids comme auparavant. “Approchez-vous ! Vous ne trouverez pas moins cher ailleurs ! Ici vous pouvez choisir votre poulet pour seulement 280 DA la pièce. C'est une aubaine pour les petites bourses”, crie un commerçant du marché de Bab El-Oued. Mais fait bizarre, au lieu d'attirer les clients, ces derniers se pressent vers les étals de fruits et légumes, ignorant complètement la volaille. “Vous savez que la veille du jour de l'An hégirien (Mouharam), je n'ai vendu que 60 poulets, alors que par le passé, à pareille époque, il m'arrivait d'en vendre 20 fois plus”, se plaint un commerçant du même marché. La situation est identique au niveau de tous les marchés de l'Algérois, les marchands de poulets subissent de plein fouet cette crise. “Personne ne parle de notre situation, pourtant nous perdons beaucoup d'argent. Les impôts nous imposeront comme d'habitude sans prendre en considération la situation actuelle”, se plaint un marchand du marché Ferhat-Boussaâd. Pour parer à cette crise, les commerçants se plient, une fois n'est pas coutume, aux exigences des rares clients. C'est ainsi que les prix des pièces nobles (blanc ou cuisse) sont proposés au même prix, à savoir 130 DA le kilo dans certains magasins. Quelques rares clients osent tout de même consommer de la volaille, il s'agit le plus souvent de personnes aux revenus modestes ou de citoyens bien informés sur la maladie de la grippe aviaire. “Je travaille dans le cadre de l'emploi des jeunes comme agent de sécurité dans un établissement scolaire où je touche un salaire de 7 000 DA. Avec trois enfants à charge, j'arrive difficilement à joindre les deux bouts et la viande rouge ou blanche est bannie de notre table. Ces derniers jours, vu la baisse des prix, il m'arrive d'acheter du poulet et je me soucie peu de la maladie, car des spécialistes ont déclaré qu'aucun cas n'est encore signalé en Algérie”, dit un père de famille. Un autre consommateur, chirurgien dans un hôpital d'Alger estime, pour sa part, que c'est le moment ou jamais de “se gaver de poulet”. Pour ce praticien : “Il n'y a aucun risque à consommer de la volaille car la cuisson détruit tous les microbes et virus s'ils existent. D'ailleurs, les rares cas de grippe aviaire recensés de par le monde chez l'être humain, ont été enregistrés chez les éleveurs de volailles. D'après la littérature médicale, aucun cas de grippe aviaire chez un consommateur n'est à déplorer.” Il rappelle qu'il n'y a aucun risque à manger du poulet, et il tient à préciser : “Il ne faut pas tomber dans la psychose, car pour le moment, il n'y a aucun risque.” Pour leur part, les éleveurs redoublent d'ingéniosité pour trouver des débouchés à leur production. Certains n'hésitent pas à faire de longs trajets pour livrer eux-mêmes les détaillants, ils doivent en effet s'adapter à la situation s'ils ne veulent pas mettre la clé sous le paillasson. “Cette crise est ressentie surtout par nous, apiculteurs. L'élevage du poulet est un secteur à risque et nous enregistrons cycliquement des pertes dues à des maladies ou au climat, mais jamais une crise n'a été aussi critique que celle que nous traversons actuellement. Pour vendre ma marchandise, je suis contraint de récupérer les poulets dès leur abattage aux abattoirs. Je fais ensuite le tour des mes clients habituels et je les supplie pour qu'ils daignent prendre quelques poulets. Je les comprends ; il y a une réelle mévente, mais si les détaillants peuvent amortir un tant soit peu les effets de la crise, l'aviculteur doit se débrouiller seul. Quand les poulets atteignent l'âge d'abattage, il faut faire vite car tout retard est une perte pour l'éleveur qui continuera à les nourrir”, affirme un éleveur de la Mitidja venu livrer sa marchandise à Alger.
Pour rassurer les consommateurs, certains éleveurs ont trouvé eux-mêmes un moyen pouvant garantir la “traçabilité” de leur marchandise : ils collent sur chaque poulet une étiquette portant les coordonnées de l'éleveur. “J'ai remarqué que les clients sont justement attirés par les poulets portant des étiquettes de l'éleveur, cela doit les rassurer. Pourtant cette pratique reste l'initiative des seuls éleveurs car aucune loi ne les y oblige”, déclare un vendeur de 0,volaille. Justement à propos de contrôle, les services concernés ne font part d'aucune mesure exceptionnelle, car selon les responsables, celles déjà existantes sont assez “draconiennes” et ne permettent à aucun commerçant détenteur d'un registre du commerce de vendre des poulets impropres à la consommation. Le contrôle de la filière volaille est organisé à plusieurs niveaux. C'est ainsi que les services vétérinaires procèdent au contrôle des poulaillers qui ne peuvent être opérationnels sans les documents de conformité délivrés par lesdits services. Les vétérinaires sont présents aussi au niveau de tous les abattoirs (ovin, bovin et volaille) ; ils s'assurent de la bonne santé des bêtes abattues. Vient ensuite le rôle des services de contrôle du ministère du Commerce qui disposent de 9 directions régionales, de 48 directions de willaya et de 20 inspections aux frontières. Le ministère du Commerce dispose de 20 laboratoires de contrôle de la qualité. “Nous procédons au contrôle de tous les produits et services. Concernant les denrées périssables, nous adoptons une stratégie spécifique car nous assurons une surveillance particulière et accrue des produits, tant ceux importés que ceux du marché local. Nous contrôlons les étables, les abattoirs et tous les lieux de production de viande fraîche ou congelée”, déclare Mme Lebkiri, directrice du contrôle de la qualité et de la répression des fraudes par intérim, au ministère du Commerce. Ce contrôle s'étend aussi aux restaurants et à tous les lieux assurant des services liés à la restauration.
La directrice du contrôle se veut rassurante quant à la qualité des produits vendus dans les commerces “légaux”. Elle se montre, par contre, réticente s'agissant des produits proposés par le secteur informel où ne peuvent intervenir les organismes de contrôle dépendant de son département. Pour M. Bouknouh, sous-directeur du contrôle aux frontières toujours au ministère du Commerce, “le contrôle des marchés informels est du ressort des autorités locales qui doivent interdire tout commerce non réglementé. S'agissant des marchés informels proposant des animaux vivants, en plus des autorités locales, la loi 88-08 donne des prérogatives aux agents et médecins vétérinaires pour y réaliser des contrôles de jour comme de nuit. Après le coucher du soleil, la même loi les oblige à être accompagnés par un officier ou un agent de la Police judiciaire”. Toujours est-il que ces deux responsables se montrent confiants quant à la qualité de la volaille algérienne indemne jusqu'à présent de la grippe aviaire, mais ils invitent les consommateurs à plus de vigilance car le danger ce n'est pas uniquement cette maladie, mais aussi d'autres pathologies liées au manque d'hygiène surtout au niveau des marchés non contrôlés.
SaId Ibrahim


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