La phobie de la grippe aviaire, qui persiste depuis quelques semaines, a eu raison de la filière avicole. Accouveurs, éleveurs de reproducteurs et fabricants d'aliments à travers le territoire national crient à la faillite. Ils ne vendent plus, sinon à perte. « Je vends un kilo de poulet à 70 DA, alors que le prix de revient est presque de 100 DA. Je n'arrive plus à rembourser mes dettes », se plaint un éleveur d'Alger, qui se voit ruiné du jour au lendemain. La psychose de la grippe aviaire a poussé le consommateur algérien à boycotter la viande blanche, particulièrement le poulet. D'habitude très prisé par les strates sociales moyennes, ce produit a beaucoup perdu de sa « popularité ». « La consommation du poulet a chuté de 70% », estiment les aviculteurs dans un communiqué rendu public hier. Pour faire face à cette situation, pour le moins désastreuse, les éleveurs et reproducteurs ainsi que les fabricants d'aliments du bétail s'organisent. Après une série de rencontres régionales entre les différents intervenants dans cette filière, tenues les 19, 21 et 23 février à l'Ouest, au Centre comme à l'Est, ils ont abouti à la création d'un comité provisoire qui aura pour principale mission d'alerter les responsables à tous les niveaux et de leur exposer les préoccupations des plus urgentes de la filière. Ce comité est chargé également de prendre les mesures nécessaires à même de rassurer le consommateur et d'œuvrer pour la sauvegarde et la promotion de la filière, est-il souligné dans un autre communiqué des aviculteurs. Tout en adhérant aux mesures préventives prises ces dernières semaines par les pouvoirs publics, les aviculteurs tiennent cependant à rassurer que la consommation du poulet « ne présente aucun danger ». Selon Salim Messani, un aviculteur faisant partie du comité provisoire, « l'élevage se fait à 100% dans des hangars fermés. Car il n'y a pas d'élevage en bio ». Il estime qu'« à 95%, notre volaille ne sera pas touchée par cette pandémie ». Les aviculteurs considèrent, comme encore souligné dans leur communiqué, que l'annonce à maintes reprises, à travers les médias, de cas de mort suspecte de volailles dans certaines régions du pays a semé la panique et la peur au sein de la population, au point qu'il est enregistré ces deux dernières semaines une mévente totale de la volaille. Par exemple, des cas suspects de dindes découvertes mortes, dimanche, à Birtouta a provoqué une onde de choc chez la population locale. La situation de mévente a en effet poussé les accouveurs à déclasser les œufs ou à détruire les poussins. Les éleveurs expliquent cela par l'absence de nouvelles mises en place. Mais aussi par le fait que les reproducteurs sont réformés très jeunes pour cause de non-rentabilité. Les pertes sont importantes à telle enseigne que plusieurs éleveurs ont arrêté la production. « Ils sont en faillite et n'arrivent plus à rembourser leurs dettes. Aussi, ils n'ont plus de revenus à mettre en place dans ce créneau », est-il indiqué dans leur communiqué de presse. Ils lancent un SOS aux autorités du pays en leur faisant part du danger qui pèse sur cette filière qui fait vivre près de 200 000 familles. Selon eux, cette filière risque de disparaître à cause de l'absence des principaux maillons de la chaîne, qui sont les consommateurs et les éleveurs de poulet de chair. « Si la tendance actuelle se poursuit, il n'y aura plus de poulet sur le marché », alerte M. Messani. L'Algérie consomme environ 3 milliards de poulet par an. Le marché global de la volaille est estimé à un milliard de dollars par an. M. Messani prévient, en outre, d'une autre crise ou plutôt une grave pénurie, une fois la psychose passée. Crise qui nécessitera, d'après lui, près de 2 ans pour la surmonter. « Pour remettre en marche la chaîne de production du poulet de chair et reproduire les poussins, il faudra au moins 15 mois. C'est un délai biologique auquel on n'y peut rien », explique-t-il, ajoutant que cela induira inéluctablement une flambée des prix. C'est pour cela que « les aviculteurs souhaitent que les pouvoirs publics prennent en compte, en plus de l'aspect sanitaire, l'aspect économique de l'état actuel de la filière ». Les aviculteurs mettent en effet la barre au rouge. Car ils sont certains que si l'Etat n'intervient pas en urgence pour sauver ce qui reste de la filière, ce sera la pire catastrophe, avec des répercussions graves sur le revenu des populations rurales et le consommateur qui, pour sa part, subira longtemps une hausse vertigineuse des prix, non seulement de la viande blanche, mais aussi de la viande rouge. Autre répercussion néfaste, ce serait la perte de milliers d'emplois directs et indirects.