Sans tenir compte du tollé soulevé dans les milieux politiques de gauche et associatif, le gouvernement français a donné son aval jeudi dernier à un projet de loi du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, qui prône une immigration “choisie” et durcissant les règles d'entrée et de séjour pour les étrangers. Ce texte, le deuxième de Sarkozy en moins de trois ans, vise à privilégier une immigration du travail en facilitant le séjour des étrangers qualifiés tout en durcissant les règles pour les autres. “Il faut passer d'une immigration trop longtemps subie à une immigration choisie”, a souligné le Premier ministre Dominique de Villepin, en présentant à la presse ce texte de M. Sarkozy, son rival potentiel pour la présidentielle de 2007. “Notre objectif commun est clair : rendre à la France les moyens de contrôler son immigration afin que celle-ci devienne un véritable atout pour notre pays”, a expliqué M. de Villepin. Parmi les mesures phare de ce texte, figure la création d'une nouvelle carte de séjour à destination des étrangers hautement qualifiés (scientifiques, informaticiens, artistes...), les plus à même de “participer au développement de l'économie française” ou au “rayonnement de la France dans le monde”. Le principe de ce titre de séjour, valable trois ans et renouvelable, a été validé lors d'un Comité interministériel de contrôle de l'immigration (Cici). Le texte fait également la part belle aux “meilleurs” étudiants étrangers, qui bénéficieront d'une carte spéciale de séjour en contrepartie d'un engagement à retourner pendant un temps dans leur pays, une fois leurs études achevées, afin de “ne pas priver les pays d'origine de leurs élites”. Le projet durcit, dans le même temps, les conditions d'entrée pour les migrants non qualifiés et le regroupement familial, désormais possible à partir de deux ans de résidence en France et non plus un an, et renforce la lutte contre les fraudes au mariage binational. Pour le collectif Contre une immigration jetable, qui réunit plus d'une centaine d'associations aux côtés du Parti socialiste (PS), des Verts et du Parti communiste, ce projet va conduire à une “négation radicale des droits fondamentaux de la personne”. “Ne seront “acceptables” que les étrangers perçus comme rentables pour l'économie française”, selon ce collectif. “On va avoir de bons immigrés bénéficiant de leurs droits et de mauvais immigrés privés des leurs”, a pour sa part accusé le PS. En 2004, plus de 100 000 personnes, originaires pour la plupart des anciennes colonies françaises d'Afrique, sont entrées en France au titre du regroupement familial, soit les trois quarts (73%) des immigrés réguliers du pays, selon des chiffres officiels. Pour la même année, 20 000 ont été expulsés. Un chiffre qui devrait passer à 25 000 en 2006. Sur le nombre d'entrées, l'immigration du travail n'a compté, elle, que pour 5% sur la même période. À titre de comparaison, le Canada, qui a fait le choix d'une politique d'immigration sélective, compte environ 60% d'immigrés “économiques”. L'inquiétude soulevée dans les milieux de le l'immigration africaine et asiatique par le projet de Sarkozy devrait être tempérée dans le cas de l'Algérie, liée à la France par un accord bilatéral signé en 1968 et révisé pour la dernière fois en juillet 2001. En droit, les accords bilatéraux transcendent la loi traditionnelle. Les Algériens devraient donc échapper à un certain nombre de mesures contraignantes promises par le projet. Alger attend même un assouplissement des conditions de circulation après la signature du traité d'amitié qui prévoit un “partenariat privilégié”. “Nous devrons être privilégiés par rapport aux autres partenaires”, affirme-t-on de source diplomatique. À moins que le traité d'amitié ne dorme dans les tiroirs. Yacine KENZY