Lundi soir, vers 19h30, quelques minutes à peine après l'arrêt de la centrale d'El-Hamma, le centre de dispatching national, cerveau du système situé à la direction générale de la Sonelgaz, connaît une activité intense. Appelés à la hâte pour faire face à la situation, tous les responsables de l'entreprise sont présents, du directeur général aux responsables régionaux en passant par les opérateurs. L'oreille collée au téléphone et les yeux rivés sur le grand tableau de dispatching représentant toutes les régions du pays avec leurs centrales électriques respectives, les agents de la Sonelgaz, très concentrés sur leur tâche, s'informent continuellement sur l'évolution de la situation ainsi que sur la reprise progressive du réseau ; ils ne semblent nullement gênés par le vacarme assourdissant qui règne aux alentours. Rabah Touileb, responsable du contrôle système, nous donne, dans un moment de répit, quelques explications sur la situation : “A 19h, il y a eu un incident à la centrale du Hamma, ce qui a entraîné l'arrêt des autres centrales du territoire national. Ce qu'on appelle un déclenchement par sympathie”. A 21h15, c'est-à-dire deux heures après la coupure générale, la situation commence à s'améliorer. La moitié des villes de l'Est sont rétablies, 40 % à l'Ouest et 10 % au Centre. Sur les rumeurs d'un sabotage ou d'un attentat, les responsables sont catégoriques : “Il n'y a eu aucune explosion, aucun sabotage, nous sommes au cœur de la gestion du réseau, le problème s'est produit au niveau de la centrale d'El-Hamma au poste de production de 200 mégawatts”. Si ce n'est ni un sabotage ni une explosion, comment le pays tout entier se retrouve dans le noir pendant plus de deux heures ? Un expert de la Sonelgaz nous explique en détail le fonctionnement du réseau : “La théorie des dominos. Le réseau est complet, le système est imbriqué comme une toile d'araignée, le tout véhicule une quantité d'énergie. Lorsqu'il y a une absorption de charge, une demande accrue comme ce fut le cas avant-hier à 19h, nous sommes au maximum de puissance demandé, 5 000 mégawatts, vous avez une charge qui disparaît subitement (400 mégawatts produits par la centrale d'El-Hamma) ; cette charge est appelée sur les autres fils, donc le fil est en surcharge, il déclenche (fait disjoncter) la centrale suivante, qui, à son tour, appelle une autre surcharge sur le fil qui, également à son tour, déclenche la centrale suivante, etc. Ce qu'on appelle dans notre jargon “le réseau s'écrase”. Cette situation, qui s'est déjà produite en 1990, a duré moins de temps. D'autre pays ont connu ce même cas de figure — la France en 1978, l'Etat de New York pendant les années 80 —, ce qui n'est pas très grave en somme, mais la durée de reprise, plus de 4 heures dans certaines régions, n'est pas très rassurante. Il y a une méthodologie de reprise, car il n'est pas possible de redéclencher l'ensemble des centrales, il y a des phases et des techniques qu'il faut respecter. A titre d'exemple, pour redémarrer une centrale à vapeur, il faut au minimum deux heures contre une demi-heure pour une centrale à gaz. M. O.