La politique américaine dans le monde arabo-musulman était à l'ordre du jour de la conférence-débat organisée, hier, par le centre El Khabar pour les études internationales, au Palais de la culture de Kouba (Alger). Trois responsables de la Fondation US Carnegie, Mme Marina Ottaway et MM. Thomas Carothers et Daniel Brumberg, se sont succédé pour cerner les vertus de la démocratie, du dialogue et des négociations, et surtout essayer de convaincre les Algériens de l'intérêt de la première puissance mondiale ou plus exactement de certaines “voix” au sein de l'Administration Bush, quant à la nécessité d'un changement démocratique dans l'espace arabo-musulman. Les trois intervenants ont, cependant, innové par leurs critiques en direction de la politique extérieure des Etats-Unis, reconnaissant que ces derniers ne sont pas vraiment “crédibles” dans le chapitre de la démocratie, qu'ils ont soutenu jusque-là “des dictatures” arabes et tourné le dos aux “petites initiatives” émanant de la société civile, sur les questions des droits de l'Homme. Selon M. Carothers, ancien représentant du département d'Etat américain, les évènements du 11 septembre 2001 ont fait prendre conscience à beaucoup d'Américains de leur méconnaissance du monde arabe et du rôle de la démocratie comme “outil de résolution des conflits”. Ce responsable a parlé de “modérés” dans le département d'Etat qui chercheraient “une alternative raisonnable” au régime irakien de Saddam Hussein. Il a aussi défendu l'idée selon laquelle les USA pourraient représenter “un partenaire” dans la région en matière de “démocratisation”, à condition qu'ils jouent “un rôle actif” dans le conflit opposant Israéliens et Palestiniens, qu'ils ouvrent leur économie aux “autres marchés” et qu'ils restent à l'écoute des pulsations, voire des réalités des sociétés civiles et des partis politiques. Mme Ottaway a, de son côté, beaucoup insisté sur le passage à “une transition à la démocratie” et la place à accorder au “système de réconciliation”. Abordant le cas de l'Afrique du Sud et de l'Algérie où les Etats “sont encore intacts” après les conflits, elle a estimé que leur stabilité et leur entrée dans le système démocratique reposent sur “trois problèmes à résoudre” : l'accord de base (consensus national), le temps nécessaire pour entériner un tel accord et le règlement du rapport inclusion/exclusion des forces ou mouvements devant “participer à la vie politique, à la démocratisation”. Mme Ottaway s'est demandé plus tard s'il fallait ou non envisager “une pression extérieure” ou même “une intervention” pour contraindre des pays à procéder à “des changements à l'intérieur”. “Y a-t-il un rôle utile que les pays étrangers, pas spécialement les Américains, peut-être les pays européens du Nord, peuvent jouer en Algérie ?”, s'est interrogé cette responsable en guise de conclusion. Quant à Daniel Brumberg, il a tenu à distinguer la libéralisation politique de la démocratie, reconnaissant qu'un processus de libéralisation “ne produit pas nécessairement la démocratie”. Il a également rappelé que l'Administration Bush recherche une coopération avec les gouvernements arabes. “On ne cherche pas le changement du régime, sauf pour le cas de l'Irak, mais on cherche l'application des réformes”, a indiqué ce représentant de la Fondation Carnegie. H. A.