Résumé : Houria raconte sa vie à la bohème. Elle était danseuse de cabaret. Elle avait aidé des femmes à avorter et avait eu elle-même des enfants qu'elle avait abandonnés. Les yeux de la matrone se remplirent de larmes. - Il le fallait, je n'avais pas de quoi manger moi-même et je ne voulais pas qu'ils apprennent plus tard le métier que je faisais et qu'ils aient honte de leur mère. Alors, je les ai tous remis à des familles qui se sont chargées de leur éducation. Elle pousse un soupir puis lance : - Et comment t'es-tu retrouvée dans cet état, toi ? La bohème se redresse. Elle se dit qu'à cette femme, elle pouvait tout raconter. Tout. - Eh bien, voilà…. Elle se met à lui narrer sa mésaventure et lui raconta même ce qui lui était arrivé le matin même sur la route avec le vieux commerçant. - Ne te l'ai-je pas dit ? De tels énergumènes ne cherchent que leur intérêt. La matrone se lève, ramasse les tasses de café et les dépose dans une bassine. - En tout cas, tu as de la chance, la patronne n'est pas là pour un bon bout de temps. Tu pourras rester chez moi jusqu'à ton accouchement, après on verra. Mais en attendant tu devrais gagner ta vie, moi, je n'ai pas les moyens de t'entretenir. - Mais comment le pourrais-je dans mon état ? - Eh bien… Elle réfléchit un moment. Viens un peu par là. La bohème se lève avec difficulté et vient se planter devant la femme. - Bon, voyons. Je vais te mettre une fouta autour de la taille, cela mettra en évidence ta grossesse, et tu devrais cacher tes beaux cheveux. Tiens, prend ce torchon et noue-le sur ta tête. Parfait. Dans cette tenue, cela devrait marcher. Dès demain matin, tu te mettras devant la porte du hammam et tu tendras la main. - Quoi ? Je vais mendier ? - Et alors ? Il n'y a pas de sot métier, non ? Ma foi, si tu préfères mourir de faim et de froid, je ne te retiens pas, princesse. La bohème se met à réfléchir. Après tout, n'est-elle pas réellement une mendiante ? N'est-elle pas dans le besoin ? Les gens auront sûrement pitié d'elle. - D'accord, j'accepte ta proposition. - A la bonne heure. Mais, attends un peu, je n'ai pas encore fini. La récolte de la journée tu me la remettras, je saurais comment utiliser cet argent au moment de ton accouchement. - Toute la recette, tu veux dire. Je ne pourrais même pas garder un pourcentage pour moi ? - Ecoutez-là donc cette orgueilleuse, je t'offre le gîte et le couvert, paie au moins ça, sois honnête avec toi-même. Y. H. (À suivre)