La tutelle pense qu'au stade où en sont les choses la question concerne exclusivement le Cnes et la justice. Les enseignants du supérieur, affiliés au syndicat autonome Cnes, ont réussi à paralyser les campus, deux jours durant déjà. Première bataille « incontestée » gagnée sur le terrain malgré le ministère de l'Enseignement supérieur qui a préféré, jusqu'à maintenant du moins, ne rien annoncer, se contentant de mettre en avant le verdict de la justice attestant, à en croire la tutelle, l'illégalité de la grève. Par ailleurs, le taux de suivi, annoncé hier par les enseignants grévistes, n'a pas été contesté par la tutelle, mais c'est chose faite, cette fois-ci, Tahar Hadjar, le recteur de l'Université d'Alger qui n'a pas hésité à annoncer à L'Expression, le premier jour de la grève, que «la majorité des enseignants ont gelé l'action de débrayage». Des «problèmes sérieux» ont été soulevés par les enseignants de la fac, «faute d'une prise en charge effective», ces derniers sont passés à la vitesse supérieure dès samedi dernier. Cette action apparaît comme la suite logique du courroux qui montait et descendait, depuis quelque temps, dans les campus universitaires. D'après Djamel Benhamouda de l'enseignement supérieur, les facultés, hormis quelques-unes, n'ont pas été paralysées à la suite de l'action de débrayage. Mais, quant à celles bloquées, notre interlocuteur atteste que cette situation est due plutôt «à l'absence des étudiants et/ou à la dégradation des conditions climatiques». Sans commentaire! Djamel Benhamouda pense que la question concerne au stade actuel, le Conseil national des enseignants du supérieur et la justice. Mais, l'enseignement supérieur n'est-il pas la première instance censée débattre des problèmes de la famille universitaire? A cette question, notre interlocuteur laissa entendre que le département de Rachid Harraoubia n'a lésiné sur aucun moyen pour éviter la protestation de terrain. Le passage à l'action est la suite d'une fausse interprétation de la loi, ajouta le représentant du ministère. Et de préciser qu'avant d'opter pour le débrayage, ce choix doit être approuvé par 50+1 travailleurs non pas 50+1 syndicalistes. Mais est-ce que ces syndicalistes ne sont pas en fin de compte représentants des travailleurs? Les syndicats autonomes, dont le Cnes, souffrent de la reconnaissance officielle. Pourtant, ils ne cessent de prouver leur représentativité en mobilisant, sans trop de peine, des foules de travailleurs au moment où l'Ugta ne sait plus sur quel pied danser. Djamel Benhamouda, conseiller au ministère, s'agrippe au fait que l'enseignement supérieur a tenté de juguler le problème sans faire de vagues. Selon lui, le débrayage du Cnes est, en quelque sorte, une sorte de haute trahison, puisque les rapports, dit-il, étaient au beau fixe. Chose qui a été contestée dans le fond et dans la forme par les professeurs grévistes qui disent que le dialogue n'a abouti à aucun résultat palpable. La décision de débrayer, rappelons-le, a été prise la semaine dernière à l'issue de la réunion du bureau national du Conseil national des enseignants du supérieur. Cette rencontre, faut-il le rappeler, intervient au lendemain de celle qui s'est tenue entre ledit syndicat et la tutelle. Le département de Rachid Harraoubia a, depuis toujours, appelé au dialogue. Cependant, avec le temps et les réunions successives, souvent vouées à l'échec, les enseignants se sont retrouvés comme dans une impasse. Aux mêmes revendications qui reviennent, la tutelle répond par les mêmes promesses. Sur le même terrain, c'est la famille politique qui se montre d'ores et déjà solidaire. Justement, dans un communiqué de soutien adressé hier à notre rédaction, le Comité des citoyens pour la défense de la République apporte son soutien total aux enseignants du supérieur quant à leurs revendications socioprofessionnelles qu'il considère légitimes. «Sans reconnaissance de ces syndicats, sans négociations intersectorielles réellement représentatives, la tripartite présentée comme solution miracle ne sera encore une fois qu'un leurre», lit-on dans le communiqué. Les enseignants entrent donc aujourd'hui dans leur troisième journée de grève, le cercle de la solidarité s'élargit. Et, le vent, a fortiori, ne joue pas en faveur de la tutelle.