Le chef du MSP exige de la presse de laisser faire les choses dans le silence et met en garde les chefs islamistes contre toute attitude de nature à hypothéquer la réussite de la charte. Le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Boudjerra Soltani, estime que toute opinion contraire au contenu de la charte pour la paix et la réconciliation nationale doit être proscrite. Le processus de la paix et de la réconciliation nationale est entré “dans son dernier quart d'heure”, mais les déclarations des détenus libérés, notamment des figures de proue du parti dissous et des organisations terroristes, ainsi que les commentaires de la presse sur cette question risquent de “compromettre sa mise en œuvre”, a affirmé le chef du MSP lors d'un meeting animé jeudi à Tizi Ouzou. “Pour mener à bon port ce processus, nous nous devons de rester vigilants, pour ne pas compromettre sa mise en œuvre par des actes et des déclarations contrariant ses objectifs”, a déclaré M. Soltani. Même s'il ne les a pas cités nommément, le chef islamiste s'adresse à l'évidence aux détenus libérés, en particulier à l'ancien numéro deux de l'ex-FIS (Front islamique du salut) Ali Benhadj mais aussi accessoirement à l'ancien numéro un du Groupe islamique armé (GIA) Abdelhak Layada et à l'ex-chef de l'Armée islamique du salut (AIS), Madani Mezrag. Ali Benhadj avait, dès sa sortie de prison, exprimé publiquement son hostilité à l'égard de la charte du président Abdelaziz Bouteflika en affirmant qu'il ne voulait pas d'une réconciliation “imposée” par le pouvoir. Il avait également affirmé que “pour qu'il y ait réconciliation, il faut d'abord qu'il y ait la vérité sur tout ce qui s'est passé”. Peu après, Ali Benhadj était aussi aux premières loges pour accueillir Layada à sa sortie de Serkadji avant de faire une intrusion spectaculaire à la maison de la presse Tahar- Djaout pour exiger de notre confrère El Watan de publier une mise au point et republier un commentaire expurgé du paragraphe où il était cité nommément. Ce que le directeur de ce journal a refusé catégoriquement. Abdelhak Layada, lui, a accordé, deux heures après sa libération, un entretien à un quotidien francophone dans lequel il s'est empressé d'encenser l'ex-numéro 2 du parti dissous en affirmant qu'“un homme comme Ali Benhadj peut énormément aider à apaiser les choses”. Layada n'a pas également hésité à affirmer qu'il ne voyait “aucun inconvénient à son retrait de toute activité politique, à condition que tous ceux qui ont contribué à la crise, attisé les feux de la haine et alimenté la discorde le soient tout autant”. Quant à Madani Mezrag, il avait, bien avant la mise en œuvre de la charte de M. Bouteflika, affirmé qu'il ne comptait pas quitter la scène politique. Lors du meeting de Tizi Ouzou, le successeur du défunt Mahfoud Nahnah a également demandé, en des termes sibyllins, aux journalistes de laisser les choses se faire dans le silence. “La liberté d'expression, à laquelle nous sommes profondément attachés, ne doit pas être utilisée comme paravent pour torpiller les enjeux de la stabilité, de la démocratie et du développement du pays”, a affirmé dans ce sens M. Soltani, sans expliquer toutefois comment la charte du 29 septembre peut constituer un atout pour le projet démocratique. Le chef du MSP a ensuite souligné “l'importance du sens de la mesure duquel ne doivent pas se départir les médias”, car, a-t-il dit, “la paix demeure une question très sérieuse”. Aussi lorsque Soltani dit que la réconciliation nationale est entrée “dans son dernier quart d'heure”, cela suppose qu'il y a encore des concessions à arracher et qu'il ne faut pas gâcher les chances d'une victoire totale d'autant plus que ses propos semblent avoir été pensés sur mesure, de façon à ne pas contrarier ceux de Bouteflika. Le chef de l'Etat avait, en effet, affirmé lors de son discours le 8 mars à l'occasion de la journée internationale de la femme que la “charte est une œuvre de longue haleine”. Dans l'esprit de Boudjerra Soltani la victoire n'est pas encore complète. D'autres acquis sont à attendre. Ce faisant, il veut assurer les tenants de l'islamisme que le pouvoir serait disposé à faire davantage de concessions. Mais le chef du MSP semble craindre que la presse mette les bâtons dans les roues au processus de “réconciliation nationale” qu'il souhaite voir aller à son terme. C'est pour cela qu'en plus des avertissements lancés aux chefs islamistes élargis, il ajoute d'autres conseils, sous forme de mises en garde, ceux-là à la presse. Bien que depuis avril 2004, la presse semble adopter un profil bas face aux multiples pressions dont elle était et demeure l'objet, elle n'a pas manqué depuis le début de la mise en œuvre de la charte du 29 septembre d'user d'un ton critique envers les concessions faites aux islamistes de manière unilatérale. S'il est vrai que l'ancien Hamas devenu MSP ne bénéfice d'aucune crédibilité auprès des tenants de l'islamise radical en Algérie, y compris du temps du défunt Mahfoud Nahnah, les propos de Soltani peuvent faire mouche au sein de cette mouvance dès lors qu'il n'est pas uniquement président du MSP, mais, et surtout, ministre d'Etat, nommé par le président de la République. Rafik Benkaci