Liberté : Après Fatma et Journal d'une femme insomniaque, Sonia revient à la veille de la Journée internationale de la femme, avec Hata l'tem, un monologue sur la femme et bien d'autres choses… Sonia : C'est vrai que la femme n'est pas le sujet central de Hata l'tem, qui n'est pas spécialement un monologue sur la femme, même si on en parle beaucoup. Ce qu'on a essayé de faire dans ce monologue, c'est de montrer à travers une variété de personnages, cette bizarrerie de l'Algérie où chacun parle son propre langage, où chacun a son propre accoutrement vestimentaire et où on a l'impression aussi que chacun va dans sa propre direction. C'est une sorte de radioscopie de la société algérienne avec toutes ses contradictions, ses tabous, dire toutes ces choses qu'on préfère généralement taire et faire comme si elles n'existaient pas. En somme, vous avez voulu cerner le problème de la quête identitaire des Algériens ? Personnellement, je dirais qu'on est algériens mais on sent que les gens sont déchirés dans leur vision des choses. Ils ont des comportements différents pour tout ce qui vient d'ailleurs, ce qui fait qu'ils se sentent tout le temps à côté et paumés. C'est clair que tous ces personnages sont algériens, mais il y a cette quête identitaire qu'on retrouve chez tout le monde, chez tous les personnages, qui ont des références qui viennent d'ailleurs. Comment faites-vous pour incarner tous ces personnages, très différents les uns des autres, dans un laps de temps très court, le monologue ne dépassant pas une heure ? C'est vrai que le système du one woman show ne laisse pas beaucoup de temps pour s'habiller et sortir de scène ; alors il fallait trouver une astuce. Adopter, par exemple, certains éléments de costumes qui s'enfilent rapidement, ce qui m'aide à me mettre dans la peau du personnage. Hata l'tem tient un discours politique très percutant… Tout à fait, car à partir du moment que le personnage principal est un psychiatre qui est pris comme prétexte, je pense qu'il est inconcevable de ne pas aboutir sur les véritables traumatismes de la société. Car si tous les personnages souffrent de traumatismes, qu'on va dire superficiels, mais la victime du terrorisme est un véritable trauma qui a touché toute la population algérienne. Et du moment qu'on a été dans ce prétexte théâtral, il me paraît inconcevable de ne pas présenter un tel personnage et, par la même occasion, parler de la tragédie algérienne. C'est la deuxième expérience avec le metteur en scène français, Richard Demarcy… La première expérience avec ce metteur en scène, c'était Les mimosas d'Algérie, un très beau thème sur la mémoire. C'était sur Fernand Yveton. Avec Demarcy, on est resté en contact et quand j'ai commencé à travailler sur ce monologue, j'ai pensé qu'un comédien a toujours besoin d'un regard de metteur en scène ; je lui avais demandé de me donner un coup de main. Il est arrivé et il a fait la conception générale du spectacle et ensuite j'ai pris en charge le reste. Sonia a été absente les deux dernières années des planches… Je ne considère pas que j'aie été absente du théâtre. Je me suis consacrée en fait à la mise en scène. Et même si je n'ai pas joué dans des pièces, j'ai été metteur en scène sur Bla zaaf et sur la reprise de Fatma avec la jeune comédienne Nesrine. Je pense que les gens se sont habitués à me voir jouer et puis j'ai mis un peu de temps pour préparer ce spectacle qui est un peu difficile. Et si on parlait un peu des droits de la femme ? C'est vrai que je ne milite pas dans une association, mais mon combat est quotidien dans le cadre de mon travail. Propos recueillis par W. L.