Le président américain George W. Bush a rapporté d'Asie un accord nucléaire avec l'Inde qu'il qualifie d'historique, mais n'aurait pas trop de bras d'une divinité hindoue pour affronter les difficultés qui l'attendent à Washington. L'accord passé lors d'une visite que d'aucuns comparent à celle de Richard Nixon en Chine en 1972, risque d'attirer à M. Bush des ennuis avec le Congrès (Parlement), inquiet d'une incitation à la prolifération. Le président reste aussi dans la fronde parlementaire menée contre la décision de céder à une compagnie arabe le contrôle des opérations dans six grands ports américains. La controverse ne s'est pas apaisée durant le voyage en Asie. Elle a encore ajouté à une impopularité dont M. Bush partage le record, à ce stade de son mandat, avec M. Nixon juste avant sa démission. Selon deux sondages publiés récemment, 38 ou 39 % seulement des Américains approuvent l'action du président au début de sa sixième année de pouvoir, pas très loin du plus bas de novembre 2005. Ce qui ne peut manquer d'inquiéter la majorité républicaine du président, c'est que le soutien dans son propre parti diminue singulièrement. La querelle sur les ports a tout pour préoccuper l'administration. Sa décision de laisser une compagnie émiratie prendre le contrôle des terminaux portuaires américains est contestée par sa majorité. Elle remet en cause l'idée que les républicains sont les mieux à même de protéger le pays contre les terroristes. “Non”, a abruptement répondu, dimanche, l'éminent parlementaire républicain Duncan Hunter à la chaîne ABC qui lui demandait s'il laisserait la transaction se faire. Un autre parlementaire, le démocrate Charles Schumer, a affirmé sur CNN sa volonté que le Congrès ait le dernier mot, une éventualité qui pourrait pousser M. Bush à faire usage, pour la première fois, de son droit de veto, comme il a menacé de le faire. Les démocrates devaient diffuser à partir d'hier des spots accusant M. Bush de vendre les ports aux “Emirats arabes unis, un pays qui avait des relations diplomatiques avec les talibans”. De plus en plus de républicains, inquiets que les élections à mi-mandat en novembre ne se transforment en référendum pour ou contre M. Bush, pourraient être tentés de prendre leurs distances avec lui. Une caricature publiée, avant-hier, dans le Washington Post, jouant de son voyage en Inde, le montrait en paria, faisant l'aumône, ignoré par les éléphants qui passent (l'éléphant est l'emblème républicain) et vêtu d'une tunique barrée du mot Irak. La perception de la situation en Irak s'est encore détériorée. Selon un sondage pour la chaîne Fox, 81% des Américains jugent probable que le pays sombre dans la guerre civile, malgré les dénégations de l'administration. “Cette administration, y compris le président, a déformé la réalité de cette guerre au cours des deux dernières années (...) Nous sommes pris dans une guerre civile”, a dit avant-hier, le parlementaire démocrate John Murtha sur CBS. Les récentes violences ainsi que les querelles irakiennes, empêchant la formation d'un gouvernement, mettent en cause une stratégie américaine contestée et un désengagement militaire rapide, réclamé par l'opinion américaine.