Les actions de protestation sont quasi automatiques à chaque affichage. Les émeutiers accusent les membres de la commission de dépassement. La ville de Collo a connu, et pour la première fois, des scènes de violence à l'occasion de la publication de la liste des bénéficiaires des 234 logements sociaux locatifs. Les émeutiers ont investi, dès les premières heures de la journée avant-hier, l'unique route d'accès à la ville pour la fermer à la circulation à l'aide de barricades de fortune. C'est la composante de la liste qui, semble-t-il, a motivé les dizaines de jeunes à descendre dans la rue. Certains pour protester contre leur exclusion, d'autres pour dénoncer ce qu'ils qualifient de dépassements commis par la commission. En retard de plus de deux années, la liste a été finalement libérée avant-hier. Il s'agit de la première distribution durant tout le dernier quadriennal. Durant toute la matinée, des heurts entre manifestants et policiers ont eu lieu sur la route de la corniche lorsque ces derniers, assistés de renforts venus des villes avoisinantes, ont tenté d'ouvrir la route. Cette dernière ne fut débarrassée des barricades que vers les coups de 16 heures après la dispersion des jeunes à coup de matraque. Au niveau des urgences hospitalières, heureusement, aucun blessé n'a été déploré. La liste, qui a attisé la colère de la population, comprend, certainement, des noms que l'application fidèle des textes auraient exclu d'office mais, et pour la première fois, des collins, dont certains sont déjà grands-pères, ont bénéficié de logements. Durant les années 1980 où les quotas distribués étaient importants, ce sont surtout des personnes habitant d'autres régions, si ce ne sont pas carrément pas des immigrés, qui ont profité de cette forme déguisée de distribution de la rente. Le logement à Collo est un véritable problème. La difficulté dépasse celle des autres villes du pays. La moyenne de livraison par an, tous types confondus, ne dépasse pas les 10 unités. Le pire est que le participatif et le locatif amélioré, fer de lance de la politique du programme de 1 million de logements, sont inexistants à Collo. C'est pourquoi les scènes de violence d'hier constituent beaucoup plus un cri de total désespoir qu'un acte revendicatif. Il l'est surtout que la région connaît une grave récession économique sans précédents malgré que la tendance nationale est à l'optimisme. Ville de pêcheurs, durant toute la semaine qui a précédé les émeutes, le poisson, première richesse de la cité, fut rare au point où le kilogramme de la sardine était cédé à 140 da. L'activité est au ralenti au point où pour une cité de 30 000 habitants, le seul vendeur de beignets travaille une saison sur deux. La dernière saison estivale fut un autre désastre économique avec moins de 2 000 touristes enregistrés réellement, loin des fantomatiques 2,5 millions (égal au nombre des pèlerins) affiché par les autorités qui semblent confondre calcul et danse virtuelle avec les zéros. À noter que la commune est sous-gérée depuis plusieurs années. Après une longue convalescence, le P/APC est, depuis deux semaines, sous une condamnation à la suite d'un procès de 6 mois ferme, qui a duré une année. D'ailleurs, elle est la seule ville au monde dirigée par un maire condamné par la justice. Toutes ces données fragilisent la confiance et rendent le recours à la manifestation de rue, qui reste condamnable dans le principe, un ultime recours. Mourad KEZZAR