Entre deux attentats, les groupes terroristes se livrent au racket et aux enlèvements. Des citoyens ont payé des millions pour “racheter” la vie de leurs enfants ou de leurs proches enlevés. Il ne se passe pas une semaine sans que les terroristes du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) qui activent à l'est de Boumerdès fassent parler d'eux. La serriate de Zemmouri, constituée essentiellement des quatre frères Hadjras, originaires du village agricole de Zaetra, a signé deux attentats en l'espace de quinze jours. La première victime tombe en fin février dernier. C'est un Patriote, qui en voulant empêcher un acte de sabotage contre un parc de l'entreprise Cosider littéralement incendié, a été tué par des terroristes embusqués derrière lui. Deux semaines plus tard, deux individus volent un véhicule pas loin de Zemmouri pour venir assassiner chez lui, un citoyen, sans histoire, habitant au camp des sinistrés du séisme de mai 2003, appelé “chalet Torné”. Profitant souvent de la baisse de vigilance ambiante, les groupes armés reviennent régulièrement rappeler qu'ils ne sont toujours pas prêts à rendre les armes. Ils sont signalés, ici et là, de jour comme de nuit, dans les villages de cette partie de la wilaya de Boumerdès à relief accidenté et extrêmement boisé. Ayant rejoint ces maquis depuis plusieurs années, ils les connaissent coin par coin, raconte un Patriote, mieux que les autochtones. Mais entre deux attentats, les terroristes se livrent à leur petit business. Outre la dîme qu'ils imposent aux agriculteurs et aux riches commerçants de la région, ils ont découvert, ces deux dernières années, un autre créneau autrement plus lucratif et qui leur évite de faire du porte-à-porte : l'enlèvement. Selon des sources crédibles, il y a quelques mois, un riche entrepreneur de Si Mustapha, qui a été enlevé, n'a eu la vie sauve que grâce à l'intervention de son frère et de son associé, qui ont payé une rançon de 700 millions de centimes. Quelque temps plus tôt, c'est un citoyen de Aït Amrane, une localité située à un jet de pierre des Issers, qui débourse un milliard de centimes pour récupérer son fils kidnappé par les terroristes. L'été dernier aussi, un riche commerçant du village Azzouza de la commune de Timezrit, n'a pu retrouver ses deux enfants qu'après avoir payé 80 millions de centimes. Les deux jeunes, indique notre source, ont été enlevés par un groupe terroriste activant à Sidi-Ali Bounab, qui dressait un faux barrage au lieu-dit Aïn Zilzel. Tout récemment encore, c'est un proche parent d'un boulanger de Ammal qui a fait l'objet d'un kidnapping. Lui et un autre employé de la boulangerie livraient du pain lorsqu'ils ont été interceptés par plusieurs terroristes qui les transféreront dans une cache à Souk El-Had, une petite bourgade située à quelques encablures seulement de Béni Amrane. La famille de l'otage, raconte un Patriote de la région, a été vite informée de la “transaction” exigée pour retrouver le jeune kidnappé vivant. Les ravisseurs, qui se sont servis du deuxième otage comme émissaire, ont demandé 50 millions de centimes. Et ce n'était qu'à ce prix-là que la victime a été relâchée par les terroristes. La famille qui n'a pu rassembler au départ que 250 000 dinars a été obligée de faire, toute la nuit durant, du porte-à-porte pour s'acquitter de la totalité de la rançon. À Benkhlifa, toujours dans la même région, c'est la mobilisation de tout le village qui, selon notre source, a empêché le déroulement d'un autre rapt. Les villageois armés de haches avaient investi la forêt avoisinante et avaient menacé d'exécuter la mère d'un terroriste faisant partie du groupe des ravisseurs. C'est elle même qui l'appellerait, d'ailleurs, par téléphone pour lui dire qu'“elle avait le couteau sur la gorge”. Le jeune homme sera libéré quelques instants après. Les terroristes qui, d'après notre source, continuent à “s'approvisionner dans les commerces de ce village en payant leurs achats, se tiennent tranquilles” pour ne pas provoquer la colère des citoyens. Parmi ce groupe d'une dizaine de terroristes, indique-t-on encore, figurent l'assassin du président de l'APC de Ammal, Mouloud Dolache et un certain Boudib. Si certains ont échappé à une mort certaine en versant aux terroristes des sommes mirobolantes, d'autres n'ont pas eu cependant cette chance. S'ils ne sont pas tués, comme ce fut le cas du gérant de la carrière de tuf de Thénia, torturé à mort à coup de clous parce qu'il avait refusé de payer la dîme, ils verront leurs biens partir en fumée. Pour sanctionner son propriétaire, les terroristes ont incendié l'été dernier, la semoulerie de Tidjelabine. Ils ont poussé le patron d'une station-service située à l'entrée de Thénia à mettre la clef sous le paillasson parce qu'ils lui rendaient visite chaque nuit. La semaine dernière, c'est le propriétaire d'une usine à Chaâbet El-Ameur qui a été leur cible. Mais à quoi servira, en fait, tout cet argent qui provient du racket et des enlèvements ? Ceux qui sont au fait de la situation sécuritaire disent qu'outre son recyclage dans le circuit commercial, ces sommes faramineuses sont destinées, aussi, à l'entretien des réseaux d'informateurs et le renseignement, un aspect que les terroristes du GSPC considèrent comme “un élément invariable dans leur stratégie terroriste”. Les nouvelles recrues Au moment où l'on parle d'éventuelles redditions dans les maquis terroristes, à la faveur des ordonnances de la Charte pour la paix et la réconciliation, des informations contradictoires nourrissent l'actualité à Dellys, Bordj Ménaïel et les villages environnants. Plusieurs jeunes ont rejoint, depuis quelques jours, les rangs du GSPC. Ils sont au nombre de 25 selon certaines sources, 28 selon d'autres. Leur âge varie entre 20 et 30 ans. Quelles sont les motivations de ces nouvelles recrues de l'“émir” du Groupe salafiste pour la prédication et le combat, Abou Moussaâb Abdel Ouadoud ? Les spécialistes de la situation sécuritaire fournissent deux explications à ces nouveaux engagements dans l'action terroriste. Soit ces nouvelles recrues faisaient déjà partie des réseaux de soutien aux groupes islamistes armés et elles ont peur d'être dénoncées par d'éventuels repentis, soit ce sont de jeunes égarés tentés par le gain facile, et ils montent au maquis rien que pour faire du racket et revenir avant l'expiration du délai du pardon accordé aux terroristes désireux d'abandonner l'action armée. Ceci dit, selon un Patriote rencontré dans la région, ces jeunes s'aguerrissent depuis déjà un certain temps aux techniques de combat dans les camps d'entraînement du GSPC à Sidi-Ali Bounab et à Mizrana. Deux zones qui restent difficiles d'accès aux services de sécurité et que les terroristes connaissent par cœur. En effet, selon des informations sûres, un important groupe de 16 éléments environ guidé par l'“émir” El-Bey, originaire de Baghlia, un vétéran du GIA continue à infester la région de Timezrit, une localité située à cheval entre les wilayas de Boumerdès et de Tizi Ouzou. Dispersés dans les villages isolés en groupuscules très mobiles de trois à quatre éléments qui ne se connaissent pas entre eux, pour éviter de grosses pertes en cas d'embuscades tendues par les services de sécurité ou suite à d'éventuelles dénonciations de repentis, le groupe d'El-Bey a été signalé, à plusieurs reprises, a Iwanoughane, et à Sidi-Amara, ou encore tout récemment, à Aït Attalah, un village situé sur les hauteurs de Oued Ksari, une commune qui sert, en fait, de zone relais entre Sidi-Ali-Bounab et les forêts boisées de Takhoukht. Ce groupe a échappé, la semaine dernière, à un ratissage de l'Armée nationale populaire (ANP) qui a agi suite à une information qui faisait état de l'existence d'une cache terroriste sur le versant sud de Sidi-Ali Bounab. Le champ d'action de ce sinistre groupe, qui appartient à katibat Al-Ansar, se prolonge, en effet, jusqu'à Baghlia où il lui arrive de mener des actions terroristes en collaboration avec les autres serriate, celle de Bordj Ménaïel ou encore celle des Issers et de Si Mustapha. Mais de toutes ces factions, indiquent nos sources, la plus active reste Al-Arkam de Zemmouri qui compte parmi ses rangs les quatre frères Hadjras. De Thénia jusqu'à Lakhdaria, c'est katibat El-Farouk qui se manifeste par des actions sporadiques. Elle compterait parmi ses rangs un ancien terroriste originaire de Thénia, surnommé “Pelé”. Il y figure aussi l'assassin du maire d'Ammal, Dolache Mouloud, et un certain Bouzegza qui aurait dit, selon des informations recueillies à Béni Amrane, que, lui, il ne descendra jamais du maquis. L'“émir” du GIA de Draâ El-Mizan sort de prison L'ancien “émir” de serriate Draâ El-Mizan du GIA, Ahmed Baïche, a retrouvé sa liberté. Condamné à 24 ans de prison, cet ancien membre du Groupe islamique armé a été libéré, il y a quelques jours seulement, en même temps que son fils et son beau-frère qui s'étaient rendus aux services de sécurité il y a presque dix ans. Emprisonné à la maison de rééducation de Tizi Ouzou, cet ancien repenti, un des auteurs présumés de l'enlèvement du défunt Matoub Lounès en 1994 à Takhoukht, et de l'incendie de l'hôtel Thiniri de Boghni, vient de bénéficier des nouvelles dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Un autre repenti qui serait lui aussi élargi de la prison d'El-Harrach, un certain dénommé Hamoudi de serriate des Issers. Cet ancien membre actif du GIA a quitté le maquis à la fin des années 1990 au moment où son groupe l'avait fait prisonnier à Sidi-Ali Bounab pour avoir refusé de déposer une bombe au marché des Issers. Karim Daoudi