Entre autres recommandations adoptées à l'issue de la conférence, l'élaboration d'une charte d'éthique commune aux avocats et aux magistrats ainsi que la demande de l'abolition de la peine de mort. Les avocats en ont gros sur le cœur. Estimant être les parents pauvres de la justice, ils militent pour la valorisation de leur statut et de leur rôle dans les tribunaux. Dans une allocution de bienvenue à ses 1 250 confrères, lue en présence du président de la République, Maître Silini, bâtonnier national, a déploré le fait que la réforme de la justice n'implique pas les avocats qui sont toujours en attente de leur statut et ne bénéficient guère de cycles de formation, comme les magistrats. “Il ne peut pas y avoir une réforme de la justice sans une défense puissante”, clame-t-il. Ses griefs ont été relayés au cours des débats par des robes noires qui se sont élevées contre leur marginalisation. Qui mieux que le professeur Mohand Issad connaît les travers de l'institution judiciaire et le désarroi auxquels sont confrontés ses confrères ? À la fois avocat et président de la Commission nationale de la réforme de la justice, il dresse un bilan mitigé des actions ayant été menées conformément à ses recommandations. “Les justiciables et les avocats ne sont pas les ennemis des juges. Or, la culture des magistrats de siège reste répressive”. “L'instruction inquisitoire commence à donner des désastres dans ce pays”, constate-t-il. Selon lui, la culture de la défense doit être inculquée également aux magistrats. Par quel moyen, la formation ? “Dans la presse, on parle tous les matins de formation de juges, mais il y a aussi des affaires de corruption”, raille Me Issad. Faisant une rétrospective du travail mené au sein de sa commission, il rappelle le constat sans complaisance établi il y a sept ans : incompétence et corruption des juges. Les conséquences ont été dramatiques. Parmi les pratiques les plus abominables, figure le recours abusif à la détention provisoire. “On met les gens sous mandat de dépôt, ensuite, on fait des enquêtes”, observe l'avocat. À ses yeux, la justice dans notre pays pèche par sa mauvaise qualité. “Il n'est de l'intérêt de personne que la justice soit boiteuse. L'avocat a le droit de demander des comptes sur la qualité des jugements rendus”, réclame-t-il, par ailleurs. À l'image de Me Issad, d'autres avocats, dont des bâtonniers, ont dénoncé le mépris dont ils font l'objet de la part des magistrats. Cette pluie de reproches a conduit Djamel Aïdouni, patron du syndicat des juges, à réagir en proposant une réunion “de réconciliation” entre son organisation et celle des robes noires. Les travaux de la conférence ont été clos, hier après-midi, par l'adoption d'une série de recommandations dont la reconnaissance du rôle institutionnel des avocats, l'élaboration d'une charte commune avec les magistrats, la création par l'union syndicale de la corporation d'une commission d'évaluation de la réforme de la justice et une demande pour l'abolition de la peine de mort. Enfin, Il est à noter que cette conférence est une manifestation inédite. La date du 23 mars n'a pas été choisie par hasard car elle commémore le 49e anniversaire de l'assassinat de Ali Boumendjel, un des membres du collectif des avocats du FLN pendant la Révolution. Il avait été torturé jusqu'à la mort par l'armée française. S. L.