Une journée à l'aéroport d'Orly-Sud à Paris a permis de révéler l'étendue de la “crise” des places à laquelle la compagnie Air Algérie fait face depuis jeudi dernier. L'atterrissage forcé d'Air Lib est venu, en effet, compliquer une situation qui ne l'est jamais moins à la veille de l'Aïd. Les Algériens résidant en France ont, eux aussi, leur moment de “grand départ”. Et hier, à l'aéroport d'Orly-Sud, ils étaient des dizaines à se bousculer, à scruter les tableaux d'affichage en quête d'un “vol providentiel”. Les plus inquiets étaient, évidemment, les clients d'Air Lib, parmi les Algériens. Ceux-là savaient qu'il fallait jouer des coudes, recourir à des interventions, avant de passer aux “mains”, si nécessaire. En face, un personnel que Air Algérie a mobilisé depuis jeudi dernier, jour où les avions d'Air Lib ont été cloués au sol. Désarroi, incompréhension et nervosité… voilà à quoi s'attendaient les fonctionnaires d'Air Algérie à Orly. “Bien sûr, c'est une situation de crise qui nous oblige à rester attentifs, aux problèmes des passagers. Depuis jeudi dernier, on essaye de gérer toute la complexité de la situation”, affirme la secrétaire du chef d'escale d'Air Algérie à l'aéroport d'Orly-Sud. Et la fête de l'Aïd n'est pas venue arranger les choses. “Déjà que dans pareilles circonstances et au-delà du problème posé par Air Lib, la situation peut parfois être difficile à gérer...”, ajoute la responsable. Courant dans tous les sens, le personnel tente de maîtriser cette tension provoquée par le débordement enregistré sur tous les vols à destination de l'Algérie. Les dizaines de passagers qui avaient réservé initialement sur les lignes d'Air Lib réclament, eux aussi, leur “droit” de rentrer au pays. Ils oublient très souvent qu'Air Algérie n'est pas à l'origine de leurs soucis. Ils cherchent parfois même un passage prioritaire, souligne notre interlocuteur. Et cette situation fait grincer des dents. Elle finit par provoquer la colère des fidèles clients de la compagnie nationale. Hier, les responsables d'Air Algérie ont réussi à programmer deux vols supplémentaires vers le pays. Un palliatif qui devait, suffire pour absorber “l'excédent” de voyageurs abandonnés par Air Lib. Mais ce n'était qu'a priori, car les listes d'attente étaient biens remplies avec plus de 300 “candidats”. Difficile dans de telles conditions de raisonner les passagers, même ceux munis de billet ouvert. “Ils veulent tous rentrer et maintenant, quitte à prendre la place des autres !” Depuis jeudi, les passagers des lignes d'Air Lib ont trouvé l'astuce pour se rabattre sur les services de la compagnie nationale. Ils ont fait échanger leurs billets auprès des agences de voyages possédant la billetterie d'Air Algérie. En se présentant à l'aéroport, ainsi munis du fameux titre de voyage, ils passent, comme les autres, pour des fidèles. La vérification prend du temps, et les agents d'Air Algérie ne cherchent pas à faire dans la “discrimination”. “On cherche à transporter tout le monde. Mais beaucoup de voyageurs refusent de comprendre cette situation d'urgence”. Pour M. Mohamed Reda Saâdallah, au service de promotion de vente, la journée commence à 5h. Il est venu en renfort et de son plein gré pour donner un “coup de main” à un personnel submergé. Faisant passer les voyageurs un par un, fournissant les renseignements nécessaires, aidant même à calmer les passagers, l'homme cherche à être utile. Mais cette disponibilité ne lui crée pas que des sympathies. Il est même pris à partie et violemment par un passager muni d'un billet ouvert : “Vous refusez de me faire passer... Je vais vous dénoncer. Je vais appeler Touati et vous allez voir ce que seront les conséquences !” Le passager cherche le nom du fonctionnaire... et ce dernier lui offre sa carte de visite. “Appelez qui vous voulez... vous êtes inscrit sur le vol de 20h et vous partirez à 20h...”. Le hall de l'aéroport raisonne aux cris des voyageurs. D'autres passagers interviennent et assurent le fonctionnaire de leur solidarité tant il est reste intraitable malgré les menaces. Il faut dire que les passagers simples et discrets n'aiment pas trop les “puissants” qui font appel aux interventions et aux bras longs. Sagesse d'un vieux passager : “Même avec 10 vols par jour, les Algériens cherchent toujours à se créer des problèmes, à se faire remarquer. Ils n'aiment pas l'organisation.” Un homme âgé veut rentrer sur Oran. Il est sur la liste d'attente. Et tout en sachant que les autorités aéroportuaires françaises ont refusé d'accorder un vol supplémentaire à Air Algérie pour desservir Oran, il reste calme. “J'ai choisi Air Lib, je paye à présent les conséquences... Déjà que je suis sur la liste d'attente...”. Aucune raison donc pour craquer. Air Algérie continue à faire face à cette situation, tout en estimant que l'on est très loin de la pagaille de jeudi dernier. H. B.