L'imam Youcef El-Karadaoui a renouvelé, hier à Alger, son soutien à la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Il a estimé que la démarche du président “est capable de garantir une vie stable et paisible à tous les Algériens”. Il a affirmé que “le retour de la paix en Algérie permettra à tous ses enfants de participer à son développement et de trouver une solution aux problèmes socioéconomiques”. L'invité surprise du colloque sur “l'éthique de l'Islam et l'économie”, organisé par le HCI, s'est souvent prononcé, ces dernières années, sur l'Algérie, particulièrement sur le volet sécuritaire. En mai 2005, invité au colloque sur cheikh Mohamed Bachir El-Ibrahimi, il avait déjà annoncé son adhésion à la démarche présidentielle après son entretien avec Bouteflika. Dans une déclaration, il avait alors loué “la conscience, le rationalisme et le réalisme” du président de la république. À la même occasion, il avait appelé les Algériens à soutenir le processus mis en branle par le président. Chose qu'il a confirmée encore hier en estimant que Bouteflika ramènera la paix et la stabilité. Devenu un habitué de l'Algérie après avoir été longtemps l'hôte attitré de Hamas (MSP) de Nahnah et de ses militants, notamment dans les milieux universitaires dans les années 80, El-Karadaoui se rapproche des cercles officiels, de la présidence et prend volontiers position sur des questions sensibles et cruciales nécessitant son intervention, comme le terrorisme et les groupes islamiques armés. “Au nom de l'Islam, du Coran, de la sunna et du prophète Mohamed (QSSSL) et au nom des grands hommes et martyrs qui se sont sacrifiés pour l'unité et l'indépendance nationales, tous ceux qui n'ont pas encore répondu à l'appel à déposer les armes, à rejoindre leurs frères en renonçant à la voie qu'ils ont empruntée”, avait-il lancé en 2005 en précisant que “la période pénible que l'Algérie a vécue est désormais révolue”. Controversé pour certains, El-Karadaoui demeure néanmoins parmi les rares références en matière d'érudition, de fetwa dans le monde musulman. Quoiqu'on lui ait reproché, sa proximité avec les centres de décision, les régimes jugés autoritaires, corrompus et alliés de l'Occident “impie”, il y a lieu de relever que ces dernières années, sa pensée et ses positions n'ont pas manqué de provoquer la colère de certaines capitales européennes et des Etats-Unis. Sa dernière sortie remonte à il y a trois ans, juste avant l'invasion de l'Irak, lorsqu'il a appelé à soutenir la résistance irakienne contre les forces alliées. En compagnie de Nasrallah Hassan, chef du Hizbollah et de Khaled Mechaâl du Hamas palestinien, il a lancé une pétition contre l'invasion de l'Irak et appelé les pays musulmans à soutenir les irakiens. Une pétition strictement “frères musulmans”, mais qui a eu un large écho à travers le monde. Aussi a-t-il évité de se prononcer clairement sur les attentats kamikazes. Une attitude perçue comme une caution aux attaques des résistances palestinienne et irakienne. Mais on lui reproche d'avoir gardé le silence lors de la montée des groupes armés algériens et des premiers attentats du GIA. Sa proximité avec le palais saoudien qui comptait sur Abassi Madani et son FIS avait probablement un rôle influent dans sa position d'alors. Il ne s'est déterminé d'ailleurs de façon claire qu'une fois les choses éclaircies. Sa rencontre avec le président Bouteflika semble avoir eu un effet sur lui, le poussant à multiplier ses interventions et ses appels aux groupes armés, notamment le GSPC. “Les démarches du président de la République en vue de réaliser la réconciliation nationale qui est chose légitime et un objectif civilisationnel garantissant à la nation, par la volonté de Dieu, de sortir de sa crise, de mettre en échec les complots ourdis et de lancer l'édification de sa civilisation dans l'intérêt de l'humanité toute entière”, telle a été sa sentence à sa sortie du palais d'El-Mouradia au mois de mai 2005. Toutefois, El-Karadaoui se présente dans la mouvance des frères musulmans non seulement comme une personnalité écoutée et influente, mais aussi comme une personnalité islamiste modérée et tolérante. Ce qui lui fait garder un pied de chaque côté, dans la mouvance et auprès des régimes qui le sollicitent au besoin. Sa présence à Alger en ce début d'application des dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale apporte, indéniablement, la confirmation de ses précédentes déclarations à ce sujet et sa caution à la démarche du président. Djilali Benyoub