Les émeutes déclenchées à Diyarbakir, capitale de la région kurde, par la répression de l'armée ont déjà fait quinze morts, et menacent de gagner d'autres localités kurdophones. L'armée est de nouveau sur le terrain, à la demande, précise ses porte-parole, de la consigne donnée en début de semaine par le gouvernement islamiste, qui avait prôné la plus grande fermeté face aux manifestations de colère des Kurdes dans le sud-est du pays. Le Premier ministre, Erdogan, qui, hier, s'enorgueillit d'avoir résolu la question kurde, assimile, aujourd'hui, tout Kurde osant manifester à un terroriste ! “Tous ceux qui instrumentalisent le terrorisme doivent s'attendre à tout, qu'ils soient hommes, femmes ou enfants”, devait-il avertir à la suite de son retournement. Les émeutes, qui secouent l'est de la Turquie depuis une semaine, ont même gagné Istanbul, devenue au cours de ces vingt dernières années la première ville kurde du monde en accueillant l'essentiel des trois millions de Kurdes chassés du Kurdistan par la guerre contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui a duré près de vingt ans, de 1981 à 1999, jusqu'à l'arrestation et l'emprisonnement de son chef charismatique, Abdullah Ocalan, condamné à mort mais gracié par Erdogan sous le pression de l'UE. La remontée en surface de la question kurde remet en cause la trêve décrétée par le PKK, repose la question du pouvoir du parti islamique d'Erdogan (Parti de la justice et du développement) et, surtout, contrarie la perspective d'une adhésion à terme de la Turquie à l'Union européenne. Sur le plan régional, cette irruption ne sera pas sans conséquences sur les relations avec l'Irak où les Kurdes disposent d'une région autonome et où un Kurde a été élu président de la République. Pour les kurdes, le climat actuel est sciemment provoqué par des militaires ultranationalistes, qui craignent de voir les Kurdes accéder à une certaine autonomie, mais aussi et surtout, de perdre leur pouvoir politique et de devoir rentrer, définitivement, dans leurs casernes. D. B.