L'inscription de l'Algérie sur la liste noire, les attaques des vieux partisans de “l'Algérie française” contre les dirigeants algériens, la volte-face du Mali dans l'affaire des otages français ainsi que le refus de la justice française du non-lieu en faveur du diplomate Mohamed Ziane Hasseni, une affaire qui dure depuis le 14 août 2008, posent aujourd'hui le problème du poids diplomatique du pays sur les scènes régionale et internationale. Si la diplomatie algérienne, incarnée depuis 1999 par la personnalité du président Bouteflika, a eu son mot à dire aussi bien sur les plans régional qu'international à travers la création du Nepad, le sommet de l'UA à Alger et le dialogue Occident-Iran dont l'Algérie a constitué un canal important de discussions, cette réussite n'a pas pour autant duré dans le temps au point de permettre au pays, frappé d'un embargo dans les années 1990, de redorer son blason dans le concert des nations. Le chef de l'Etat, qui connaît si bien les rouages de la diplomatie internationale pour avoir été pendant longtemps sous Boumediène ministre des Affaires étrangères, a eu à gérer depuis son accession à la magistrature suprême, il y a maintenant plus de 11 ans, des dossiers complexes allant du rétablissement des ponts avec Téhéran, au retour du pays sur la scène arabe et africaine et à la diversification du partenariat économique, politique et même militaire, cassant ainsi cette image de chasse gardée de la France qui collait au pays depuis l'Indépendance. Mais cette stratégie personnalisée de la gestion des affaires étrangères a connu, ces cinq dernières années, des couacs importants à travers d'abord la persistance de la crise avec la France, le froid diplomatique avec Washington, le recul de l'investissement arabe en Algérie, même si l'on pourrait la lier aux effets de la crise financière internationale qui a créé des situations de repli sur soi, et la perte d'influence dans le Sahel au point où le Mali, dont la solution à la rébellion touareg a toujours été l'œuvre d'Alger depuis 1992, ose narguer l'Algérie et accepte le deal français dans l'affaire des otages européens en libérant des terroristes. La diversité n'a pas payé Il y a bien évidemment une raison à cette situation kafkaïenne, même si l'on doit admettre que les relations internationales ne sont plus ce qu'elles étaient il y a dix ans ou vingt ans. Israël est plus arrogant que jamais, la France a abandonné sa politique arabe depuis l'élection de Sarkozy et les Etats-Unis poursuivent leur guerre là où ils veulent dès lors qu'ils sont les véritables gendarmes d'un monde unipolaire même avec un Barack Obama à la Maison-Blanche. L'invasion de l'Irak a bel et bien constitué cette fracture. Personne n'a pu empêcher cette nouvelle “gâterie” américaine qui a rendu encore plus fragile le monde arabe. Dans cette situation aussi complexe que le sont d'ailleurs les relations internationales, que peut faire l'Algérie pour faire entendre sa voix ? Le président Bouteflika qui a joué la carte de la diversité a échoué. Pourquoi ? En évitant de choisir des alliés qui sont à même d'influer sur les décisions, le chef de l'Etat a poursuivi une politique de non-alignés qui n'a plus son poids aujourd'hui. La Chine dont les relations avec l'Algérie se sont renforcées ces dernières années n'a pas été d'un grand apport diplomatique pour le pays. Même la Russie, un pays avec lequel l'Algérie a signé un gros contrat d'armement d'une valeur dépassant les 7 milliards de dollars, n'est plus d'un soutien politique considérable dès lors que le régime du Kremlin a lui aussi abandonné sa dimension arabe en axant ses efforts sur le retour de la grande Russie dans le concert des nations face à l'hégémonie américaine. Crise Algéro-française Si l'affaire du diplomate Mohamed Ziane Hasseni, mis sous contrôle judiciaire pendant plus de six mois en France, car accusé dans l'affaire de l'assassinat de Ali Mecili en 1987 à Paris, a marqué le début d'un chantage de l'Etat français à l'Algérie, les dernières déclarations de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères conditionnant l'amélioration des relations algéro-françaises par le départ de la génération de dirigeants algériens issus de la guerre d'indépendance, même s'il a été rappelé à l'ordre par son Premier ministre, François Fillon, confirment au-delà du double discours de l'Hexagone sur l'Algérie qu'il y a réellement crise. Et dans cette affaire qui semble perdurer, on se demande pourquoi la diplomatie algérienne demeure muette. Et même lorsque l'ambassadeur d'Algérie à Paris a décidé de réagir en démentant l'existence d'une tension entre les deux capitales en parlant de “points de crispation”, il n'a fait que se substituer volontairement ou involontairement à l'Elysée. Car, officiellement et jusqu'à présent, Paris n'a pas fait de même. Et il s'agit de savoir aussi pourquoi la justice française continue de bloquer le règlement du cas Hasseni. Est-il un élément de chantage ? Si oui, dans quel intérêt et pour quel objectif ? Le scandale de la “black list” Pour un pays qualifié de “partenaire stratégique” dans la lutte contre le terrorisme international, être inscrit sur une liste noire par les Etats-Unis d'Amérique est une autre preuve de l'échec de notre diplomatie. Au-delà du fait que la communauté mondiale efface d'un trait le combat de l'Algérie mené pendant une vingtaine d'années contre la violence de l'islamisme, c'est toute la stratégie d'explication du processus politique mis en œuvre depuis la grâce amnistiante jusqu'à la Charte pour la paix et la réconciliation qui est remise en cause. Il faut relever dans ce sens que l'Algérie, qui a été la pionnière dans la lutte contre le terrorisme, n'a pas exploité diplomatiquement et comme il se doit les attentats du 11 septembre 2001 perpétrés par Al-Qaïda contre les tours jumelles de New York. Le processus de réconciliation nationale mis en œuvre à cette époque a-t-il empêché le président Bouteflika d'aller jusqu'au bout ou craignait-il une reprise de la violence islamiste dans un pays qui venait à peine de sortir de 10 ans de terrorisme ? Le premier bénéficiaire des attentats du 11 septembre devait être l'Algérie. Pourquoi ne l'a-t-elle pas été ? Washington qui a classé le pays comme un allié stratégique des Etats-Unis dans la guerre internationale contre le terrorisme n'est pas allé jusqu'au bout de cette logique en répondant favorablement aux sollicitations d'Alger pour une meilleure coopération sécuritaire. Pourquoi ? En inscrivant l'Algérie sur la liste noire des “pays exportateurs du terrorisme”, le tout nouveau président américain Barack Obama, qui est pressé de plaire à tout prix aux lobbies qui l'ont élu, ne pouvait pas faire pire. Mais il s'agit de savoir pourquoi on en est arrivé là ? Et l'élargissement de la liste à tous les pays dans le monde ne devrait pas être un motif de satisfaction. Le Mali fait même parler de lui Dans l'affaire des otages européens dont un Français capturés par les terroristes en Mauritanie et détenus au nord du Mali, Bamako, qui a pourtant affirmé officiellement suivre Alger dans sa démarche, s'est rétracté sous la pression de Paris qui a dépêché dans la région et à plusieurs reprises son chef de la diplomatie, Bernard Kouchner. Résultat, des terroristes sont relâchés en échange de la libération du ressortissant français qui s'est avéré être plus tard un agent de la DGSE. L'Algérie n'a-t-elle plus les moyens de se défendre malgré son aisance financière ? Le lobbying est une question de moyens et de compétences. À partir de là, il s'agit de savoir où se situe le verrou qui empêche notre diplomatie à travers ses chefs de mission à l'étranger de se redéployer à moins que l'Algérie soit mal représentée à l'extérieur. Si l'on n'a pas pu pour une raison ou une autre prévenir la tempête, il est temps de se remettre au travail afin que l'élan diplomatique ne soit pas qu'un simple feu de paille.