Les chefs des inspecteurs en désarmement de l'Organisation des Nations unies (ONU), Hans Blix et Mohamed El-Baradei, ont présenté, hier, devant le Conseil de sécurité, leur deuxième rapport sur l'Irak. Les deux hommes ont fait savoir qu'aucune preuve palpable ne permettait d'établir la culpabilité du régime irakien quant à la détention ou à la fabrication d'armes de destruction massive. MM. Blix et El-Baradei ont demandé un délai supplémentaire pour poursuivre leurs inspections. Ce qui a conforté la position du bloc antiguerre, composé notamment de la France, de la Chine, de la Russie et de l'Allemagne. Le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, s'est particulièrement illustré en apportant une réponse franche et sans équivoque aux Etats-Unies. De Villepin a réaffirmé sa totale opposition aux attaques armées contre l'Irak et exigé la prolongation des inspections onusiennes. Le secrétaire d'Etat américain, Collin Powell a, de son côté, était clair : il a demandé au Conseil de sécurité de réfléchir aux “conséquences sérieuses” évoquées dans la résolution 1441 de l'ONU. “Il n'y a plus de temps pour les inspections : le moment est venu d'étudier l'utilisation de la force contre l'Irak parce que la question centrale (le désarmement) reste entièrement posée. Désolé, mais plus de temps aux inspections”, a déclaré Powell. Bagdad semble disposé à y mettre du sien pour tenter d'éviter que la balance ne penche dans le sens de la guerre. Le parlement irakien a été convoqué en séance extraordinaire pour débattre d'une loi portant interdiction de la fabrication d'armes de destruction massive. Le Vatican compte également peser de tout son poids. Le pape Jean-Paul II a reçu au Vatican le vice-premier ministre irakien Tarek Aziz alors que son émissaire personnel, le cardinal français Roger Etchegaray, en mission à Bagdad, a rencontré le président Saddam Hussein. Washington a fait monter la pression à la veille de cette réunion. Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a assuré que les Etats-Unis comptaient n'utiliser en Irak que des armes conventionnelles et pas d'armes nucléaires. Le secrétaire d'Etat Colin Powell a indiqué qu'après la chute de Saddam Hussein une administration militaire améri-caine provisoire serait mise en place à Bagdad. Le président Bush a appelé les Nations unies à prendre leurs responsabilités dans la crise ira-kienne et à ne pas laisser l'ONU “sombrer dans l'histoire en tant que société de débats, inefficace et inutile”. Son principal allié, le premier ministre britannique Tony Blair a demandé à ses partenaires de l'Union européenne (UE) de ne pas exclure une intervention armée contre l'Irak, lorsqu'ils se retrouveront lundi à Bruxelles pour un sommet extraordinaire, auquel le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a été convié. Autre partisan de la force, l'Espagnol José Maria Aznar a affirmé jeudi soir, dans une intervention télévisée à Madrid, que le choix était entre “la légalité internationale” et “un monde menacé par des dictateurs et le terrorisme”. Dans le camp de la paix, le ministre russe des Affaires étrangères Igor Ivanov a estimé, à son arrivée hier matin à New York, que “la question d'une seconde, d'une troisième ou d'une quatrième révolution” pour autoriser l'emploi de la force contre l'Irak ne se posait pas dans l'immédiat. Français, Allemands et Belges ont bloqué à l'Otan toute décision d'assis-tance militaire à la Turquie dans la perspective d'une guerre en Irak. Une réunion des ambassadeurs prévue jeudi dernier, à Bruxelles pour tenter de trouver un terrain d'entente entre alliés a finalement été annulée sine die. La France a fait circuler à New york un texte qui préconise le doublement ou le triplement du nombre des experts en désarmement, la désignation d'un coordinateur permanent installé à Bagdad et une surveillance de l'Irak par des avions espions. Ces propositions ont le soutien de l'Allemagne, de la Russie et de la Chine. Mais Londres ne veut pas en entendre parler. Pour le ministre britannique des affaires étrangères Jack Straw, le plan français, “irréaliste et difficile à mettre en œuvre”, “ne “fournira pas les garanties dont le monde a besoin”. Le convocation du Parlement irakien répond à une demande de l'ONU et de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Il s'agit d'adopter une législation interdisant la production et le développement d'armes de destruction massive. L'armée israélienne a commencé à rappeler des réservistes qui seront affectés aux batteries de missiles antimissile patriote récemment déployées dans le pays en prévision d'un conflit armé en Irak, alors que les Kurdes ont demandé une assistance à la Russie en cas de guerre. Le vice-premier ministre irakien Tarek Azziz a toutefois affirmé, dans une interview sur une chaîne de télévision française, que l'Irak n'avait “pas les moyens d'attaquer Israël”. Des manifestations pacifistes monstres sont prévues sur l'ensemble de la planète, en particulier aujourd'hui, contre la guerre en Irak. R. I. ONU L'Algérie pour la réforme du Conseil de sécurité L'ambassadeur, représentant permanent algérien aux Nations unies, M. Abdellah Baali, a réaf-firmé, jeudi à New York, la nécessité de réformer le conseil de sécurité de l'ONU. Selon lui, cette instance doit entamer sa “mue et s'engager sur la voie de la réforme considérée plus que jamais comme la clef de voûte du système de sécurité collective de notre organisation”. La nécessité de cette réforme est expliquée par M. Baali par les menaces globales qui guettent le monde et qui requièrent, a-t-il dit, “de notre part une réponse collective ; qui mieux que le conseil de sécurité, quand la paix et la sécurité internationales sont menacées, peut remplir ce rôle ?”. “Cela est valable pour le terrorisme que le Conseil de sécurité a fort opportunément identifié comme une menace contre la paix et la sécurité internationales, mais également valable pour les recours ou les menaces de recours à la force sans autorisation préalable du conseil de sécurité ou de la légitime défense”, a-t-il ajouté. Le représentant algérien à l'ONU a rappelé que “l'emploi de la force dans les relations internationales doit obéir aux normes de la charte de l'ONU”, soulignant que ce recours “n'est acceptable que dans l'exercice du droit de légitime défense”.