Avec une centaine d'entreprises employant quelque 6 000 salariés, on ne peut pas dire que les entreprises françaises sont présentes en Algérie. Il y a des frémissements, mais cela reste nettement en deçà du niveau des relations entre les deux pays. Pourtant, les entreprises françaises font preuve d'un énorme dynamisme à l'étranger. L'UE et même les Etats-Unis se sont d'ailleurs récemment gaussés des saillies de la France sur le patriotisme économique, comme cela a été illustré par la résistance au rachat de Danone ou d'Arcelor, alors que ses entreprises investissent beaucoup à l'étranger. Et dans tous les continents. Le président Jacques Chirac n'hésite pas à s'impliquer personnellement lorsqu'il s'agit d'aider les hommes d'affaires de son pays à planter l'emblème tricolore hors de l'Hexagone. Il l'a encore prouvé récemment en Inde ou encore en Arabie Saoudite. Les pays du Golfe sont même présentés par les stratèges français comme le marché des 50 prochaines années. À la fin du mois, une importante délégation d'entrepreneurs se rendra aux Emirats arabes unis, dont des dirigeants sont venus récemment exposer à Paris les projets de privatisation des secteurs de l'eau et de l'électricité. Pourtant, en termes d'échange, l'Algérie est le premier partenaire arabe de la France. Elle arrive loin devant le Maroc, classé en deuxième position. Il y a donc une frilosité que les entreprises françaises se doivent de surmonter pour que leurs projets s'élèvent au niveau des ambitions politiques. “Les entreprises françaises ont tort de ne pas investir en Algérie”, a regretté un homme d'affaires, interrogé par Liberté. Jean Rouzaud est directeur de développement au sein de MPH, un groupe multisectoriel. Le coup de sang du président Bouteflika contre ses ministres peut conforter ces entrepreneurs dans leur retenue. Le chef de l'Etat s'est, en effet, emporté à cause de ses réformes qui traînent, de la mauvaise gestion, de la faiblesse des qualifications, de l'absence des experts. Ces problèmes ont été soulevés lors de la visite en automne du ministre français de l'Economie et des Finances, Thierry Breton. Les scandales, qui ont éclaboussé les banques, peuvent aussi paraître rédhibitoires. Autant de freins, certes, mais qui n'ont pas empêché les entreprises chinoises, coréennes, indiennes, allemandes, américaines d'investir en Algérie. La proximité géographique et culturelle devrait pourtant profiter en priorité à la France qui dispose d'un fabuleux gisement humain avec la communauté algérienne vivant sur son sol. Elle ne rechignerait pas à travailler pour son pays d'accueil et son pays d'origine. Le patronat est peut-être en train de comprendre les enjeux. Une délégation viendra en mai à Alger. Un énième voyage, certes, mais qui se présente sous de meilleurs auspices. La branche internationale du Medef, le Mouvement des entrepreneurs, a appelé les entreprises françaises à investir en Algérie “plus vite et plus loin” en Algérie. “Certes des difficultés subsistent, mais la concurrence asiatique, notamment chinoise avec l'augmentation sensible des échanges entre Alger et Pékin, l'intérêt croissant d'autres pays comme l'Italie, la Turquie ou l'Espagne dont les entreprises y sont de plus en plus présentes, la montée en puissance des Etats-Unis, nous poussent aujourd'hui à aller, nous aussi, plus vite et plus loin”, écrit le vice-président, directeur général de Medef International, M. Thierry Courtaigne, dans une note adressée aux entreprises françaises. Il a souligné que l'Algérie améliore son environnement des affaires et les conditions d'exercice, accélère son processus de réformes (dérégulation de l'activité économique, privatisation, réforme bancaire et financière, juridique), “lance un important programme d'investissements” et “poursuit activement son ouverture à l'international” marquée par “l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'Union européenne, et le projet d'une accession rapide à l'OMC”. M. Courtaigne a indiqué que pendant le séjour de la délégation d'entrepreneurs français à Alger, les 2 et 3 mai, “de nombreuses rencontres seront organisées tant avec le secteur privé algérien” qu'avec les autorités algériennes “avec qui elle abordera les priorités de l'Algérie et les réformes, les difficultés et les succès”. “Nous débattrons ensemble de la manière de lever les derniers obstacles et de renforcer notre présence en Algérie”, a-t-il ajouté. Les stocks d'investissement direct étranger (IDE) “détenus par la France sont estimés à environ 700 millions d'euros à fin 2005”. Le Quai d'Orsay admet que “c'est modeste”. “Les entreprises françaises ont tort de ne pas investir en Algérie”. Yacine KENZY