Abdelaziz Bouteflika, en mal de “citoyens” algériens, a exposé en des termes “très lourds” sa vision sur la démocratie, les partis politiques, la réconciliation nationale, le nationalisme et l'ingérence étrangère. Lors du colloque national sur la “Démocratie en Algérie : réalité et perspectives” à l'université des sciences islamiques Emir-Abdelkader de Constantine, en hommage à Abdelhamid Ibn Badis, le Président ne cachera pas son regret d'une pratique politique électoraliste en Algérie. Et ces toutes formations politiques confondues, alliance présidentielle comprise. “Je préside un Conseil des ministres où il y a trois formations politiques. Il y a ici deux responsables. Je vous le dis en face, les partis ne bougent qu'au moment des élections”, relèvera-t-il. Sa sentence était destinée à Aboudjerra Soltani et Abdelaziz Belkhadem. Des lois “importantes” sont adoptées, dira-t-il, sans qu'il n'y ait d'explications à l'égard de la population. “Que fait la société civile?”, s'interrogera Abdelaziz Bouteflika. Dans le marasme des déclarations partisanes, il rappellera son étiquette “indépendant”, malgré son “attachement” indéfectible au FLN, dont à l'ancien SG Abdelhamid Mehri qui était présent. La loi dans toute sa rigueur. Abdelaziz Bouteflika est revenu sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. En déplorant la “persistance résiduelle de groupes armés”, il réitérera l'engagement de l'Algérie à combattre le terrorisme jusqu'à le vaincre. “Nous avons donné dans la réconciliation nationale, que chacun le sache en Algérie et à l'étranger, tout ce qui est réalisable et réaliste. Ceux qui dévient du chemin, la loi s'appliquera sur eux dans toute sa rigueur”, précisera-t-il. Le peuple pardonne, mais ne doit pas oublier. “Ceux qui veulent l'Algérie, elle ouvre les bras à tous ses enfants, et avec tous ses enfants. Ceux qui ne choisissent pas l'Algérie, nous leur ferons face.” Il s'agit, pour lui, du seul moyen de ne pas revivre les affres du passé. “La responsabilité incombe à toute la société pas seulement aux responsables politiques ou militaires.” “Droits des Familles ? Oui.” À ceux qui dénoncent la prise en charge des familles de terroristes, il rappellera qu'il n'y a pas d'autres issues. “Droits des familles ? Oui… Elles n'ont aucun tort si un des enfants a dévié”, dira Abdelaziz Bouteflika ajoutant qu'il ressent la douleur des victimes du terrorisme. “S'il y a une solution en dehors de la Charte, je suis preneur. J'ai eu mal et cela m'a occasionné des nuits blanches. Nous n'avons d'autres solutions pour régler les problèmes de notre société que la réconciliation”, admettra-t-il. La “célérité” et la “diligence” avec lesquelles la justice a appliqué les dispositions de la charte, ce qui a “surpris” la population, sont une preuve de l'engagement pris. “Nous tiendrons parole...” Le chef de l'Etat se fera néanmoins catégorique sur les velléités que certains lui prêtent. “Je ne ramènerais pas la société à ce qui prévalait dans les années 90. Je ne suis pas de ceux-là.” “La démocratie n'est pas une religion et l'Islam n'est pas un système politique.” Renvoyant dos à dos les “démocrates autoproclamés” et les “tenants d'un totalitarisme à présentation théocratique”, il exposera sa vision de la démocratie. Pour le chef de l'Etat, “la démocratie n'est pas une religion et l'Islam n'est pas un système politique.” Elle ne peut être ni une “reproduction”, ni un “produit” destiné à être importé ou exporté. L'Algérie a, selon lui, une profonde assise démocratique incarnée par l'œuvre d'Abdelhamid Ibn Badis. La pratique démocratique ne peut se réduire “à la tenue périodique d'élections pluralistes, à la séparation des pouvoirs et au droit d'exercer certaines libertés fondamentales”. Il regrettera la “détérioration” de la démocratie. “Notre système démocratique est désorganisé. Ça ne veut pas dire que nous n'avons pas franchi des étapes importantes, mais il faut que nous reconnaissions que nous sommes loin de la démocratie”, relèvera le Président qui ne veut pas pour autant d'une démocratie à “l'occidentale”. La scène politique est certes pour lui ouverte, elle doit néanmoins s'ouvrir “davantage”. Toutefois, il dira qu'il n'est pas en mesure de l'ouvrir plus alors que la “sécurité” n'est pas totale. Trop de militants pas assez de citoyens. À ce sujet, il dira que nul, secteur privé ou public, ne s'occupe réellement de ce qu'il doit faire. “Où sont les citoyens algériens ? Il y a trop de militants et pas assez de citoyens.” La responsabilité est “commune”. Le président est excédé et il le fait savoir. Excédé qu'on lui sorte à tout bout de champ, la “hogra”, les “mahgourines”, ces laissés-pour-compte d'une Algérie qui renaît. “Relevez vos têtes Algériens !” assène-t-il, exhortant la société civile à jouer un rôle prépondérant. Il recommande le savoir, la modernité, les sciences et l'engagement démocratique. “Où nous situons-nous dans le monde arabe, le continent africain ou le monde ?” Les temps changent et il le déplore. “Nous étions un exemple. Aujourd'hui certains ont honte de dire qu'ils sont algériens. C'est comme une faute…” regrettera-t-il appelant à un sursaut national. Visa ? “Ciao bello”. La démocratie n'est pas, précisera-t-il, préférer une “capitale étrangère à une autre” et ne se pratique pas “dans les réceptions d'ambassades”. La démocratie ne rime pas non plus avec “l'évangélisation” des enfants. “Nous devons être clairs avec nous-mêmes et avec les autres, amis ou ennemis. Nous reconnaissons les gens du Livre. Il faut à l'Etat des lois claires pour la pratique du culte.” Celui-ci doit se faire dans la transparence et en dialoguant avec les autorités. Démocratie rime, pour le Président, avec patriotisme et nationalisme. À ceux qui rêvent de l'Eldorado ailleurs en criant “visas”, il dira, joignant le geste à la parole, “Chao bello”. Il regrettera que le patriotisme soit galvaudé et associé au “populisme” et à la “langue de bois”, appelant les Algériens à s'armer de civisme et de citoyenneté. Abdelaziz Bouteflika n'a pas caché son désarroi. Il l'a exprimé en toute “franchise”. Le chef de l'Etat ordonne une enquête nationale sur les bidonvilles Abdelaziz Bouteflika déclare la guerre aux bidonvilles à partir de Constantine. En se rendant à Aïn El-Abid pour inaugurer des logements sociaux bâtis sur l'emplacement d'un ancien bidonville, le Président a fustigé ceux qui investissent ces lieux de malvie en quête de logements alors qu'ils en possèdent déjà. Il est inadmissible, pour lui, que l'Etat tolère les gens qui s'adonnent à ce genre de trafic et qui font du malheur des autres un commerce. La justice doit sévir, selon lui, pour lutter contre ce genre de trafic. Par la même, les bidonvilles doivent être éradiqués. Il a demandé à ce que des enquêtes soient ouvertes sur tout le territoire national concernant les fraudes sur les logements. S. S.