Les dernières déclarations du Guide libyen, Mouammar Al-Kadhafi, à propos du projet du Grand-Sahara, destiné à regrouper les tribus de cette région, et le jeu pour le moins douteux auquel se livrent ses émissaires depuis quelques semaines, ne sont pas pour laisser indifférents les pays de la région. Si l'idée avancée par le chef de l'Etat libyen paraît d'emblée saugrenue, voire irréaliste, sur le terrain, les choses semblent évoluer de manière très rapide comme le démontre l'activisme continu des “envoyés spéciaux” libyens dans cette partie de l'Afrique, l'une des plus pauvres au monde. Après avoir procédé à l'ouverture, au début de l'année en cours, d'une représentation consulaire dans la ville de Kidal, dans le nord du Mali, où la communauté libyenne est pourtant presque inexistante, le Guide libyen finance la célébration de la fête religieuse du Mawlid Ennabaoui avant d'aller plus loin en mettant en place toute une batterie de mesures pour venir en aide aux populations de la région. Et comme cette agitation libyenne ne fait que réveiller les vieux démons d'une guerre fratricide qui avait opposé les tribus touareg du nord du Mali à l'Etat central au début des années 90, les pays concernés de près par cette situation tentent de réagir afin d'empêcher une nouvelle déstabilisation de la région. L'Algérie, le Mali et le Niger partagent donc cette préoccupation d'ordre sécuritaire, et c'est précisément cela qui les a contraints à accélérer leur coopération en la matière afin de parer à toute éventualité. En effet, la semaine dernière a vu la réunion à Alger des deux commissions mixtes de sécurité algéro-malienne et algéro-nigérienne. À l'évidence, les trois pays ne veulent pas être pris de cours par les visées troubles du Guide libyen et tentent de prendre les devants pour ne pas avoir à subir des conséquences qui pourraient s'avérer fâcheuses pour toute la région. Ainsi, le ministre nigérien de l'Intérieur, M. Mounkaila Modi, était présent toute la semaine dernière en Algérie dans le cadre de la 2e session du Comité bilatéral frontalier algéro-nigérien. La visite a été couronnée par la signature d'un procès-verbal par les deux parties visant, notamment, à faire de la zone frontalière algéro-nigérienne un “espace de paix, de sécurité, de progrès et de prospérité partagée”. Le ministre nigérien a, dans ce contexte, souligné la détermination des deux pays, l'Algérie et le Niger, à accroître leur coopération, particulièrement en matière de lutte contre le terrorisme, la contrebande et l'immigration clandestine. Cependant, conscientes de la situation socioéconomique difficile dans laquelle évoluent les populations de cette région, les deux parties n'ont pas manqué d'insister sur le développement des zones frontalières à travers la promotion des échanges commerciaux frontaliers, la formation spécialisée dans divers domaines, tels que la protection de l'environnement, le développement durable, l'agriculture et l'élevage, les transports, l'énergie, les travaux publics ainsi que la lutte contre les maladies. C'est là un volet d'une importance capitale si l'on veut garantir la stabilité de la région face au chant des sirènes kadhafien et autres. De son côté, le Mali, premier pays concerné directement par les “projets” d'Al-Kadhafi, tente de dépasser le choc de l'annonce faite par Al-Kadhafi à Kidal. Et dans ce contexte, l'Algérie constitue un partenaire idéal du fait que les deux pays partagent une longue bande frontalière. Afin donc de contrecarrer les ambitions démesurées d'un Al-Kadhafi décidément otage de sa sénilité, Algériens et Maliens ont réuni, à la fin de la semaine dernière, la Commission mixte de sécurité. Les travaux de cette dernière ont été sanctionnés par un train de mesures destinées à “renforcer et dynamiser la coopération bilatérale dans le domaine particulièrement sensible de la stabilité et la sécurité des deux pays”. Sur le terrain, il revient surtout aux walis d'Adrar et de Tamanrasset d'organiser des rencontres périodiques avec les gouverneurs des régions de Gao, Kidal et Tombouctou afin de renforcer “les mesures de sécurité le long de la frontière” algéro-malienne. Comme pour le Niger, le renforcement de la coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité sous toutes ses formes (trafic de drogue, contrebande, grand banditisme...), la prévention et la lutte contre le développement du phénomène de l'immigration clandestine et les réseaux de passeurs d'immigrants clandestins et de traite d'êtres humains ont été au centre des préoccupations des deux parties. Mais au-delà de cette coopération inter-Etats, qui permet de contrôler un tant soit peu ces fléaux qui affectent la sécurité et la stabilité de toute la région, il est du devoir des pays de la région, sinon de la communauté internationale, d'accorder une certaine attention à une population qui vit dans le dénuement le plus total et qui, par conséquent, peut devenir à la longue cette chair à canon dont ont besoin Ben Laden et consorts. Hamid Saïdani