La célébrité et le succès n'ont rien changé chez Souad Massi. Peut-être une ou deux petites choses, en prime d'un sourire innocent qui illumine son visage de petite enfant. Les deux concerts, évènement tant attendu par le public algérois, étaient aussi des concerts évènement pour la Joan Beaz du Maghreb qui a sillonné le monde. Car la consécration chez soi a un autre goût pour la petite fille de Saint-Eugène qui n'a jamais rêvé d'une carrière artistique, encore moins de gloire. “Là où nous sommes passés, nous avons fait salle comble. Mais j'ai toujours dit à mes musiciens que ça allait être mieux en Algérie”, confie Souad à son public, et elle n'avait pas tort. Une bonne demi-heure avant le concert, la salle affichait déjà complet. Des centaines de fans de l'ex-chanteuse du groupe de rock Atakor étaient présents pour l'ultime rendez-vous. Vingt heures tapantes, les musiciens prennent place sur la scène. Le groupe est composé d'un guitariste hongrois, un bassiste camerounais, un batteur sénégalais-breton et évidemment de Rabah Khalfa, chanteur percussionniste. Ils sont vite rejoints par Souad qui entame son concert par Kilyoum, un titre de son dernier album et qui parle du retour au pays. Elle enlace sa guitare électroclassique comme elle aurait enlacé Ilham, sa petite fille. Des notes de musique chaâbi flirtent avec des airs de morna capverdienne ; un délice. Khelouni est une invitation à célébrer le raï avec une magnifique démonstration vocale de Rabah Khalfa, qui n'a rien à envier aux grands du genre. Les percussions de Khalfa viennent, par la suite, mettre le feu dans la salle, particulièrement lorsque la chanteuse revisite Kraht lil oua sbah, avant d'enchaîner avec Mesk elil (Chèvrefeuille). Yemma nekdeb alik (Maman, je dois te mentir) est un clin d'œil à tous ces jeunes partis pour l'eldorado européen, et dont les conditions de vie sont des plus pénibles. Une mélancolie à couper le souffle. Dans un style typiquement chaoui, Souad affirme son attachement à son pays et à ses origines et chante Manenssa asli (Je n'oublie pas mes origines). Le bendir du grand percussionniste propulse l'assistance sur la piste de danse, qui devient, du coup, trop exiguë. Surtout lorsque la chanteuse entame Ach yadaoui et Adyalli ouass dans le genre kabyle. Raoui, Dar Djeddi, Ghir anta sont un mélange de musiques, de souvenirs et de sensibilités que seule Souad Massi a su ingénieusement doser. Il faut dire que l'adolescente timide, qui a épousé la folk music à ses débuts, a fait du chemin depuis son passage remarqué au Cabaret-Sauvage. W. L.