Le mauvais geste de Zidane a éclipsé la victoire italienne. De son village natal à la capitale française, le tour du monde des réactions. Du temps d'Aimé Jacquet ou Roger Lemerre, Zidane a brillé de mille feux parce que ces deux entraîneurs ont construit leur système de jeu non seulement sur les qualités techniques du joueur, mais aussi sur son mental. Domenech n'a jamais pensé à protéger Zizou. uelle triste fin de carrière pour le magicien du football ! Quelle douleur pour des millions de fans et de spectateurs de ce dieu des stades ! Comment convaincre les jeunes footballeurs que Zidane reste un exemple ? Son geste est inexcusable, certes. Mais il s'explique. Et pas seulement par les insultes du défenseur italien. Quand on connaît la carrière de Zinédine Zidane depuis ses débuts à Cannes, on sait que ce Kabyle, enfant de la Castellane, a le sang chaud et qu'il réagit au quart de tour à une provocation blessante. Les exemples ne manquent pas. Ce fut le cas notamment lors d'un match entre Marseille et Bordeaux au début des années 1990. Au milieu d'une mêlée de joueurs suite à un corner, il se retourna et asséna un violent crochet du droit sur le visage de Marcel Desailly qui le mit K.-O. Il se fit expulser sur-le-champ. On ne compte plus les coups de tête donnés au fil des matches de club et les bagarres dans les vestiaires. Maintenant que le Mondial est fini, il faut asséner les vérités sur le mauvais système de jeu et la mauvaise pression du coaching de Raymond Domenech. Du temps d'Aimé Jacquet et de son adjoint Roger Lemerre, Zidane a brillé de mille feux parce que ces deux entraîneurs ont construit leur système de jeu non seulement sur le potentiel et les qualités techniques du joueur, mais aussi sur son mental. En 4, 3, 1, 2, Zidane avait trois demi-défensifs derrière et deux attaquants devant. Cinq joueurs constamment autour de lui auxquels il faut ajouter le fidèle Lizarazu, arrière-gauche se transformant souvent en ailier gauche pour soutenir Zidane. Outre ses vertus offensives, ce système avait un autre objectif que seuls quelques rares puristes du football connaissent. La “botte secrète” inventée par Jacquet est que le milieu de terrain jouait un rôle de “garde rapprochée” de Zidane, notamment le capitaine Didier Deschamps. Les trois milieux défensifs étaient constamment proches de Zizou afin de le protéger doublement. D'abord contre les adversaires trop agressifs envers Zidane. Ils étaient signalés à tous les défenseurs et se voyaient immédiatement avertis verbalement avant d'être automatiquement punis en recevant des tacles très appuyés, des bousculades et des coups dans les mêlées sur corner ou coup franc. Le deuxième objectif de cette garde rapprochée était de surveiller Zidane contre lui-même pour éviter qu'il ne se fasse justice, comme ce fut souvent le cas en club. L'exemple le plus visible a eu lieu lors d'un France-Allemagne où Zidane, rudoyé par un défenseur allemand, s'est vite relevé pour répondre à cette agression. Il n'eut pas le temps de s'en approcher qu'Emmanuel Petit et Patrick Vieira bondirent, comme un seul homme, pour s'interposer entre lui et son adversaire. C'est grâce à cette “protection” permanente, que Zidane et l'équipe de France ont fait de si beaux matches. Domenech n'a jamais pensé à protéger Zidane. Au contraire, il s'est entêté à utiliser un système de jeu et des coéquipiers inappropriés, où Zidane s'est constamment retrouvé isolé au milieu des joueurs adverses qui le séchaient et l'empêchaient de développer son football. Vieira et Makélélé étaient trop loin de Zidane et perdaient toute leur énergie à défendre et colmater les brèches du système Domenech. C'est ce qui explique le coup de gueule de Zidane avec Thuram et Gallas lors du premier match France-Suisse, où il leur demandait de jouer plus haut, pour que l'équipe fasse un bloc autour de lui. Il en était réduit à faire de l'auto-gestion avec le système Domenech. Le conflit technico-psychologique avec Domenech engendrait trop de pressions sur les épaules de Zidane. Sans ses efforts et son abnégation, l'équipe n'aurait pas été qualifiée et n'aurait jamais atteint la finale. Outre ses buts et ses actions décisives, il était contraint de courir sans arrêt pour faire le pressing sur les défenseurs adverses, rôle normalement dévolu à Henry qui restait constamment immobile ou hors jeu, en attendant gentiment que la balle lui arrive dans les pieds sans se fatiguer. Epuisé et dépité après la “prise de catch” que lui a fait subir Cannavaro sans réaction de ses coéquipiers ni de l'arbitre, il a demandé à sortir. Il connaît parfaitement ses limites. Après avoir emmagasiné trop de rancœur et de fatigue, il ne pouvait continuer sans réagir seul aux agressions. Ne pouvant même pas tenir 90 minutes, comment pouvait-il jouer les prolongations ? Domenech, n'ayant jamais rien compris à Zidane, a refusé de le remplacer. L'erreur fatale est là. Saâd Lounès La Suite