Le geste malencontreux mais condamnable de “Zizou” au stade de Berlin peut exacerber le racisme et la xénophobie en France où le mouvement des chemises brunes ne concerne pas que les lepénistes. Aucun parmi les candidats sérieux à la succession de Jacques Chirac n'a osé dénoncer, comme il se doit, l'irruption de cette idéologie. En latence en France depuis la décolonisation, et plus avant, avec l'affaire Dreyfus, qui avait nourri l'antisémitisme, et, juste après, durant la Première Guerre mondiale, un sentiment antigermanique avec ses concepts de boches, de chleuhs. Sarkozy, qui se voit au palais de l'Elysée, a carrément endossé le manteau de Lepen avec des logorrhées auxquelles ce dernier, pourtant orfèvre en la matière, n'aurait jamais pensé. “Je vais vous débarrasser de la racaille au kacher” ! Il ne faut pas plus pour réveiller chez la France d'en bas le sentiment que la crise et la morosité sont les conséquences directes de la “France Blacks-Beurs”. Si Sarkozy s'intéresse avec autant d'ardeur aux Français de l'extrême droite, c'est que leur nombre est loin d'être une potion congrue. C'est le patron de la police et le patron du parti de la majorité, donc le mieux informé sur ce qui agite son pays, en surface et dans ses profondeurs. Ses lois liberticides contre l'immigration et ses menaces récurrentes de s'en prendre même aux Français qui ne sont pas de souche, figurent dans le fronton de son programme, et, il ne se gêne pas d'en faire la propagande, sans en rougir et même avec fierté et orgueil. Les candidats de la gauche, du moins ceux accrédités par les sondages de résultats significatifs, d'habitude prompts à descendre en flèches toute manifestation raciste, ne font plus rien. De crainte, lâchent ceux parmi eux encore attachés au fantasme d'une France des droits de l'homme, de voir des pans de l'électorat de gauche, sanctifié auparavant comme “le peuple de la gauche”, se détourner d'eux ! C'est dire l'ampleur et l'étendue du racisme en France. La candidate socialiste, capable, croit-on chez la gauche parisienne, de tailler dans la croupière de Sarkozy, Mme Ségolène Royal, fait dans le politiquement correct en suivant dans le sens du poil et, aveuglément, l'électorat lambda. Son slogan fétiche “La famille et la patrie”, et les sujets qui fâchent, l'intégration et la France colorée, sont sans réponses. Le seul à ruer dans les brancards sur cette question est le candidat de l'extrême gauche, Besancenot de la Ligue communiste. Mais ce n'est que la mouche du coche, la France a glissé vers la droite et l'extrême droite et ce n'est pas la crise de fin de règne de Jacques Chirac qui risque de rétablir le tir. Il faut tout de même relever que le coup de tête de Zinédine Zidane aura embarrassé sérieusement les médias français qui font tout pour que ne remonte pas à la surface la bête raciste et xénophobe. La puissante campagne médiatique, qui pleut sans arrêt sur les chaînes, radios et journaux français, autour de “Zizou ! la France t'aime”, n'est pas que du marketing pour ramasser de l'argent dans le sillage du Mondial. C'est un acte éminemment politique. Il s'agit d'empêcher “la peste brune” de s'enfler et de se propager. L'énergique intervention, juste après le coup de sifflet de la fin de la XIIIe Coupe du monde, du président français sur la chaîne la plus populaire, donc la plus regardée, notamment par cette France d'en bas, pour encenser, comme jamais il ne l'a été, “Zizou” n'est pas fortuite. Jacques Chirac sait que le racisme et la xénophobie se sont de nouveau invités dans son pays et que le malencontreux geste de l'icône du ballon rond risque d'en précipiter la déferlante. D. Bouatta