Pour Roger Clark, le chef de la délégation, “la situation en Kabylie demeure grave et est loin d'être résolue”. Amnesty International (AI) vient de rendre un verdict des plus cinglants sur la crise en Kabylie. Elle affirme dans son rapport final, élaboré à l'issue de son enquête dans cette région, effectuée la semaine dernière que “les forces de sécurité ont utilisé des munitions de guerre pendant les manifestations” et qu'il s'agissait “souvent d'un usage excessif et abusif de la force meurtrière”. Philip Luther, membre de cette ONG, auteur de cette déclaration faite, jeudi dernier, à l'occasion d'une conférence de presse animée par la délégation de cette organisation à l'hôtel El-Djazaïr soutient qu'Amnesty International “partage dans une large mesure” les conclusions de la commission nationale d'enquête sur les événements de Kabylie drivée par le professeur Mohand Issad. Il déclare ne pas comprendre qu'il “n'y a pas eu les suites nécessaires aux conclusions du rapport d'enquête surtout en ce qui concerne la traduction devant la justice de ceux responsables des morts lors des manifestations”. Philip Luther qui se dit surpris “d'entendre que personne ne sait rien sur le jugement des 23 gendarmes dont parlent les autorités” et pense que “ou bien il y a un problème de communication dans la mesure où les gendarmes ont été traduits devant la justice mais que personne ne le sait ; ou bien que les procès n'ont pas eu lieu”. Dans les deux cas de figure, l'intervenant souligne la préoccupation d'AI devant “l'impunité des responsables des morts des citoyens aux mains nus en Kabylie”. Toujours est-il, “la situation en Kabylie demeure grave et est loin d'être résolue”, clame Roger Clark, le chef de la délégation pour qui la résolution de la crise dans cette région dépend, en premier lieu, de “la volonté politique”. “Il est temps, assène-t-il, de mettre fin à tout ce qui entrave et empêche les citoyens de bénéficier de leurs droits et de la protection que doit leur garantir l'Etat et d'avoir le courage d'aborder définitivement aux questions difficiles parfois pénibles et douloureuses pour arriver à la solution”. Amnesty International qui, rappelons-le, a condamné au début du Printemps noir l'usage des balles réelles contre les manifestants, n'a pas pu se rendre en Algérie à l'époque faute de visa. S'exprimant, par ailleurs, sur la situation générale des droits de l'homme en Algérie, Roger Clark a d'entrée souligné qu'en comparaison de leur dernière visite qui remonte à 2000, “il y a une disponibilité et une ouverture au dialogue de la part des autorités algériennes”. Cependant, cette disponibilité “nous ne l'avons ressentie qu'au niveau du ton des échanges qui ont eu lieu” et pas dans les faits, tient-il à expliquer. Aussi, aux yeux du conférencier, la situation des droits de l'homme en Algérie “n'a pas avancé”. Ses arguments : “Les familles de ceux qui ont disparu aux mains des agents de l'Etat, les familles de ceux enlevés ou tués par les groupes armés, la douleur continue et c'est la même douleur que nous avons rencontrée en 2000. L'impunité de ceux qui sont responsables de ces enlèvements, tueries et autres violations est aussi grave, importante et urgente qu'avant et elle le restera jusqu'à ce que justice soit faite. Les tueries ne s'arrêtent pas et AI condamne les actes de violence commis en Algérie dont les derniers massacres perpétrés dans la wilaya de Tipaza. La torture se pratique toujours de manière répandue et régulière et les mauvais traitements persistent dans les lieux de détention et d'arrestation”. Fait nouveau dans le discours d'Amnesty International : elle n'a pas soulevé nombre de ses sujets de prédilection, à savoir l'état d'urgence, la question des détenus d'opinion et elle n'a pas souhaité rencontrer les généraux. D'ailleurs, cette délégation, qui séjourne en Algérie depuis le 15 février dernier, récuse le qualificatif de “détenus d'opinion” aux dirigeants de l'ex-FIS. “Pour nous, ce sont des détenus arbitraires et non d'opinion”, a précisé Simon Lutta, membre de la délégation. N. M.