Le président du forum des chefs d'entreprise évoque dans l'entretien qu'il a bien voulu nous accorder la campagne consommer national que son organisation lancée il y a trois mois. Sur le dossier de la privatisation, Omar Ramdane soutient que la démarche n'est pas sérieuse. Liberté : Après trois mois du lancement de la campagne “consommer national”, quels premiers enseignements en avez-vous tirés ? Omar Ramdane : Les enseignements justes et exacts, basés sur des enquêtes sur le terrain, au niveau des consommateurs, selon les normes modernes, ne sont pas encore tirés. Nous avons, pour l'heure, plutôt une appréciation globale. Ce que nous constatons, c'est qu'il y a une adhésion à cette campagne de la part des consommateurs et des institutions de l'Etat. Nous sommes à trois mois seulement de la campagne. Nous n'avons pas encore atteint la vitesse de croisière. Nous sommes, actuellement, dans la phase de distribution des affiches reprenant les slogans de la campagne. Ces affiches seront placardées dans les lieux publics à travers toutes les wilayas. Nous avons fait une vingtaine de wilayas en fonction des moyens du forum. Elles seront présentent au niveau des postes. En revanche, le ministre de l'Education n'a pas encore répondu à notre sollicitation. Vers la fin mars, nous aurons atteint une certaine vitesse de croisière qui nous permettra à ce moment de commander une enquête à un bureau spécialisé, pour apprécier l'impact de la campagne sur le consommateur. Début mars, nous allons reprendre la campagne par le biais de la presse écrite, campagne que nous avons arrêtée durant le mois de février. Cependant, elle se poursuit sur les ondes de la radio et de la télévision. Je profite de l'occasion pour remercier la télévision et la radio ainsi tous les amis de la presse écrite. Même l'UGTA a soutenu notre initiative à travers un communiqué de son secrétariat national. Quel a été, à ce jour, le coût de cette campagne ? Actuellement, au niveau des dépenses, nous atteignons approximativement les 25 millions de dinars. Sans compter les apports de la télévision et la radio. La campagne durera toute l'année. Nous pensons dépasser le chiffre qu'on avait prévu et qui était de 40 millions de dinars. Vous étiez en négociation avec la SAFEX pour l'organisation du salon thématique. Etes-vous arrivé à un accord ? Les négociations sont terminées. Les responsables de la SAFEX ont montré une grande disponibilité. Ils ont accepté la gratuité des stands. L'entrée pour le public sera aussi libre. Nous avons retenu cinq salons. Nous avons prévu que le salon dure 4 jours. Le premier qui devrait concerner l'électricité et l'électronique aurait lieu en mars. Il y aura, au cours de ces salons, une promotion vente avec des prix plus réduits. En fait les négociations avec la SAFEX ont porté surtout sur les dates pour qu'il n' y ait pas de chevauchement avec les manifestations qu'organise habituellement la SAFEX. Nous souhaitons aussi que l'Etat à travers ce démembrement prenne ses responsabilités pour que la consommation soit nationale. L'administration est grande consommatrice. Cependant à ce niveau, au forum, nous avons été sidérés. Nous avons un document, un appel d'offre d'une grande société nationale. L'appel d'offre précise que les produits demandés doivent être d'importation. C'est aberrant alors que c'est parfois des produits très simples, des instruments qui n'ont rien de technique. Nous nous élevons contre ces pratiques. Il faut qu'il y ait des mesures invitant les administrations à consommer national. Nous avons entendu qu'une circulaire serait établie incessamment. Mais le forum ne peut imposer aux Algériens un produit national s'il ne répond pas aux normes requises ? Nous n'avons jamais demandé au citoyen de consommer un produit national s'il est cher et de piètre qualité. Jamais vous ne le trouverez dans notre message. On a dit à qualité égale ou prix égal donner la préférence aux produits algériens. Il existe aujourd'hui des produits de très bonne qualité et qui peuvent concurrencer les produits importés. Et généralement, le produit national est nettement moins cher. Seulement les réflexes hérités de la période de pénurie ont la peau dure. En fait, c'est un appel fait au citoyen pour se départir de ces réflexes. Il faut que les citoyens sachent que nos produits s'exportent. Et que dans bien des cas, la production nationale s'est substituée à l'importation. La preuve est que la facture des importations a quasiment stagné depuis 10 ans. Il y a trois explications. Ou le pouvoir d'achat des Algériens s'est dégradé considérablement. Ou nos importateurs achètent mieux, ou bien il y a une production nationale qui s'est substituée à l'importation. Peut-être les trois. Mais ce qui est certain, c'est qu'il y a une nette substitution à l'importation notamment dans l'agroalimentaire. Seulement l'information ne circule pas. Nos entreprises ne communiquent pas. Vous avez rencontré dernièrement le Chef du gouvernement. De quoi avez-vous discuté ? Nous lui avons remis un dossier sur le logement. Nous estimons, à travers un état des lieux, qu'il est possible de régler le problème du logement dans un délai de six à sept ans si nous y mettons les moyens. Les deux urgences des citoyens sont l'emploi et le logement. Nous disons qu'à travers la réalisation de logements sur un vaste programme nous règlerons les deux problèmes. Il faut savoir que la construction d'un logement offre 2,5 emplois directs et 10 emplois indirects. Tout le monde sait que le logement est un secteur pourvoyeur d'emplois. C'est ce pourquoi le forum a remis un dossier chiffré, avec plusieurs hypothèses et estimations au Chef du gouvernement. Le logement est en même temps un produit économique et un besoin social. L'Etat à ce niveau est tenu de rester impliqué. Dès lors que le problème devient moins pesant, l'Etat est tenu de se retirer progressivement. Et le logement deviendra une activité économique obéissant à la loi du marché. Il a été question aussi de la loi de finances complémentaire ? Probablement, il y aura une loi de finances complémentaire. Nous allons revenir à la charge. La loi de finances 2003 a certes pris en charge un certain nombre de nos propositions. Mais on a relevé par la suite deux contraintes majeures. Au mois d'août dernier, lors d'une rencontre de préparation de la loi de finances 2003 avec le ministre des Finances, nous avions compris que payer l'impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) était libératoire. Les associés, après avoir payé l'IBS, ne seraient plus assujettis à l'impôt sur le revenu global (IRG). Or il semblerait que dans un autre article de la loi de finances, les associés sont soumis à un prélèvement de 15%. La double imposition en fait demeure. Ce n'est pas ce qu'on nous a raconté. Nous n'aimons pas ces pratiques. Nous allons aussi demander la suppression du versement forfaitaire et de la taxe sur l'activité professionnelle. Parce que c'est un non-sens dans un pays où il y a 30% de chômage on continue d'imposer les salaires. Par ailleurs, nous allons demander à ce que le gouvernement prenne ses responsabilités concernant le dossier de la mise à niveau. Il faut l'inscrire au chapitre du budget de l'Etat et que les pouvoirs publics lui consacrent une somme conséquente. Nous avons transmis un dossier complet, avec une matrice au gouvernement. Nous estimons que l'Algérie a assez perdu de temps sur cette question. Le dossier actuellement est entre plusieurs intervenants. Le forum réclame la mise en place d'une autorité centrale qui puisse gérer le dossier. Concernant la question des privatisations, y a-t-il des membres du forum intéressés par la reprise d'actifs des petites et moyennes entreprises proposées à la vente ? Notre position concernant la privatisation est connue. Ce n'est pas notre préoccupation. Le jour où ils décideront de vendre les actifs du secteur public, et où ils auront une bonne perception des choses pour que la privatisation se fasse d'abord dans l'intérêt du capital national, on discutera avec eux. Maintenant, c'est du bla-bla. Rien ne se fera. Ce n'est pas sérieux. Ceux qui s'occupent de ce dossier sont considérés comme des personnes peu sérieuses. Je vous donne des exemples. Nous avons deux membres du forum qui ont été adjudicateurs d'actifs d'entreprises publiques, dans le respect de la procédure mise en place par les organes chargés de la privatisation. Ils n'ont jamais pu réaliser le rachat de ces entreprises. Auparavant, des privés avaient soumissionné pour des briqueteries, des entreprises d'eaux minérales… on ne leur a jamais répondu. Dernièrement, le privé algérien a été exclu de la privatisation des cimenteries. Pour être soumissionnaire, il faut avoir au moins deux entreprises dans deux pays différents et produire 3,5 millions de tonnes, ce qui exclut totalement l'opérateur algérien. En parallèle, on permet à des entreprises étrangères de construire des cimenteries en leur donnant des devises. Nous, au forum, nous leur disons, vous voulez privatiser, nous sommes preneurs. Mais ce n'est pas notre préoccupation première. Les entreprises privées sont en train de faire des investissements nouveaux, dans les filières qui étaient occupées par les entreprises publiques. Ces entreprises nouvelles, avec des équipements plus modernes, prennent des parts de marché. A la limite, les actifs des entreprises publiques à terme, parce qu'elles perdent de plus en plus leur part du marché, risquent de ne pas trouver preneur. Et puis, depuis qu'on parle de privatisation, certaines entreprises publiques n'investissent plus. Elles ne reçoivent plus de fonds. Elles meurent à petit feu. Nous pensons que c'est du gaspillage. Parce que ces entreprises auraient pu être reprises par des nationaux. Résultat : on est arrivé dans certains créneaux à des surcapacités de production. C'est le cas par exemple des minoteries. Le forum organise chaque année des rencontres, que prévoit-il cette année ? Nous prévoyons au moins deux rencontres, une internationale et une nationale. La rencontre internationale aura pour thème l'aménagement du territoire et l'occupation de l'espace. Nous l'avons programmée pour le deuxième semestre 2003. Nous projetons pour le mois d'avril d'organiser un séminaire sur la fiscalité citoyenne ou économie informelle. Nous allons poser la problématique de la nécessité pour les entreprises de payer leurs contributions, parce que c'est un devoir civique et en même temps interpeller l'Etat pour qu'il joue son rôle de régulateur du marché. Il y a une économie informelle de plus importante, estimée à 40% de l'activité économique, et qui risque de devenir une économie mafieuse. A ce moment-là, il sera difficile de mettre de l'ordre. M. R.