Le président américain a subi samedi dernier deux revers, qui remettent en cause sa politique extérieure. Repensera-t-il sa vision de la crise irakienne, qui l'obsède depuis quelques semaines ? Les plans de guerre échafaudés par le Pentagone ont été complètement chamboulés par les parlementaires turcs. En effet, contre toute attente, ils n'ont pas donné leur accord pour le déploiement à la frontière irakienne des 62 000 GI's que Washington s'apprêtait à envoyer en Turquie. Ce refus a été accueilli avec une grande consternation par le département d'Etat US, qui ne s'attendait certainement pas à une telle réponse, surtout que Ankara semblait très alléché par les milliards de dollars qu'il lui faisait miroiter. Certains observateurs voient dans le non des députés turcs une manière de forcer la main aux Américains pour obtenir davantage de dollars, puisqu'il est question que le Chef du gouvernement de la Turquie, Abdallah Gul, présente une nouvelle motion au vote du parlement. Néanmoins, ce premier rejet perturbe les préparatifs de guerre des Etats-Unis, qui n'avaient apparemment pas prévu dans leurs comptes cette possibilité. Les Arabes sont venus mettre leur grain de sel dans l'histoire, en refusant eux aussi toute attaque militaire contre l'Irak, au cours d'un sommet qui n'a pas failli à la tradition avec son lot de prises de bec entre des chefs d'Etat. Inévitablement, le zaïm libyen, Mouammar El-Kadhafi, s'est attiré les feux des projecteurs en s'en prenant au prince héritier saoudien Abdallah, qui dirige de fait l'Arabie Saoudite en raison de la maladie du roi Fahd. L'incident a poussé la télévision égyptienne à interrompre la retransmission en direct des travaux du sommet. L'important est que les dirigeants arabes aient adopté une position commune, rejetant toute action militaire contre le peuple irakien, privilégiant la solution pacifique. Ils renforcent ainsi le camp de la paix, qui a besoin de soutien, en cette période où Washington et Londres n'épargnent aucun effort pour faire adopter une seconde résolution au conseil de sécurité de l'ONU, qui ouvrirait la voie à l'utilisation de la force pour désarmer l'Irak. Le début de l'opération de destruction des missiles Al-Samoud II, jugés prohibés par les experts onusiens, n'a également pas été du goût de George Bush et de Tony Blair, qui n'y voient qu'une tromperie de Saddam Hussein, alors qu'elle est considérée par la communauté internationale comme un élément important dans l'opération de désarmement du régime irakien. Il existe cependant un point de discorde entre les deux alliés, qui ne voient pas de la même manière l'avenir de l'Irak. Si Bush est décidé à chasser Saddam Hussein du pouvoir par tous les moyens, il n'en est pas de même pour le Premier ministre britannique qui ne fait pas du départ du pouvoir du président irakien une fixation. “Je trouve son régime détestable, mais il peut rester au pouvoir s'il désarme pacifiquement”, a-t-il déclaré à un journal anglais. Peut-être qu'il tente d'atténuer la réaction négative à ce sujet de certains membres du conseil de sécurité, qui estiment qu'il s'agit là d'une ingérence dans les affaires intérieures irakiennes. Un consensus au sein du conseil de sécurité de l'ONU est loin de se dessiner, car les consultations informelles de la dernière réunion de cet organe se sont déroulées de manière “acrimonieuse” à en croire les déclarations de certains membres. Reste à savoir maintenant si ces derniers développements sur la scène internationale pousseront les conseillers du chef de la Maison-Blanche à revoir sa copie de la crise irakienne. K. A. 225 000 soldats américains dans la région du Golfe L'armada américaine dans la région du Golfe, au sens le plus large, s'étendant jusqu'à l'Afghanistan, pour une possible guerre contre l'Irak, compte 225 000 hommes, dotés d'avions, d'hélicoptères, de navires et de chars, qui seront renforcés à terme par 48 000 militaires britanniques. Voici l'essentiel du dispositif après la décision américaine de déployer des bombardiers B-2 et un sixième porte-avions, et le départ de la 101e division aéroportée des Etats-Unis pour la région du Golfe. DE VILLEPIN La France s' “opposera” à une deuxième résolution Le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, a réaffirmé, hier, que la France s'opposerait à une deuxième résolution de l'ONU sur l'Irak, qu'elle juge prématurée. Interrogé sur un possible veto français, le chef de la diplomatie française s'est contenté de rappeler que la résolution 1 441 de l'ONU sur le désarmement irakien prévoyait que les inspections devraient se poursuivre “jusqu'à ce que nous nous retrouvions dans une impasse”. “Il revient aux inspecteurs de rédiger un rapport et de dire : eh bien, nous ne pouvons plus travailler”, a expliqué le ministre lors d'une interview à la BBC-télévision. “Sommes-nous dans une telle situation ? Non. Avons-nous besoin d'une deuxième résolution ? Non. Allons-nous nous opposer à une deuxième résolution ? Oui, comme les Russes et plusieurs autres pays”, a-t-il ajouté, sans toutefois préciser si cette opposition pourrait prendre la forme d'un veto. 40% des Britanniques critiquent Blair ll Quatre électeurs sur dix jugent "peu judicieux" le soutien du Premier ministre britannique Tony Blair à la ligne dure américaine sur l'Irak, selon un sondage publié dans l'édition dominicale du tabloïd Mail (droite). Selon ce sondage, 37% des personnes interrogées estiment que la position de M. Blair est "dangereuse" contre 31% qui pensent qu'elle est "fondée" et 24% "courageuse". Près d'un Britannique sur deux (49%) soutien la position du pape Jean-Paul II qui estime que la guerre contre l'Irak est mauvaise d'un point de vue moral, contre 27% qui approuvent la position du Premier ministre affirmant qu'il y a un devoir moral de faire la guerre. Une majorité écrasante de 82% des personnes interrogées pense qu'une guerre contre l'Irak augmenterait considérablement les risques d'attentats en Grande-Bretagne. Interrogés sur l'attitude des 121 députés travaillistes qui ont voté contre la guerre mercredi dernier au Parlement, environ 58% des gens ont répondu qu'ils approuvaient les "rebelles", contre 34% de l'avis contraire.