Le président français, Nicolas Sarkozy, devait le constater à son arrivée à Alger pour sa première visite d'Etat en Algérie : il n'a pas chez les Algériens la même estime que son prédécesseur. Hormis le protocole, pas de notes fusionnelles, comme celles dont a eu droit Jacques Chirac en 2001. Une ville entièrement rafraîchie et en un tour de main, comme sait le faire l'Algérie pour les grandes occasions, des portraits géants et pas que sur le parcours de l'hôte de l'Algérie, de gigantesques drapeaux de l'ex-puissance coloniale flottant jusque dans le quartier rebelle et frondeur de Bab El- Oued. Les Algérois s'étaient massés au passage de Jacques Chirac et pas que pour clamer des visas. Ils ont apprécié sa longue halte à Bab El-Oued qui se relevait d'une méga-inondation. L'ex-président français avait su placer les mots justes de compassion et d'encouragement. Alger ne s'est pas contenté de dérouler sous ses pieds le tapis rouge. L'ex-président français avait emporté l'adhésion de toute la classe politique algérienne, y compris la famille révolutionnaire, pourtant assez tatillonne dès qu'il s'agit d'histoire entre l'Algérie et la France. L'intervention de Jacques Chirac au Club- des-Pins, devant les deux chambres du Parlement, reste mémorable. La moisson n'a pas répondu aux attentes des deux capitales et encore moins des Algériens, prêts à tourner la page, mais sans sacrifier le devoir de mémoire. Cependant, la visite de Chirac, elle, est restée dans l'esprit des Algériens. Pour Sarkozy, c'est nettement différent. Sa visite a été précédée par une sérieuse controverse sur le pan d'histoire commun aux deux pays et il a fallu l'énergique intervention de Bouteflika pour remettre les pendules à l'heure, faire taire ce qui est toujours vif et qui fâche, au nom du pragmatisme qui doit préserver l'avenir des deux pays. En outre, pour les Algériens, Sarkozy est synonyme de tours de vis dans l'obtention de visas, de traque et d'expulsions de frères et fils indésirables, de stigmatisation de communautés algériennes, voire même de Français d'origine algérienne et de réhabilitation de tous ce que compte la France comme nostalgiques de l'Algérie française. Cerise sur le gâteau, le successeur de Chirac est appréhendé comme porte-parole d'une France qui se remet sans état d'âme dans le giron des Etats-Unis. Sarkozy a beau avoir précédé sa venue à Alger, la septième en termes de statistiques et la première avec tapis protocolaire, de “je me rends en ami”, cette déclaration n'a pas eu apparemment de grandes incidences. Pour la population algéroise, sa venue dans le costume de premier magistrat de la France n'est pas un grand événement. Pour elle, ce n'est qu'une visite d'affaires, souhaitant que les cinq milliards d'euros qui seront mis sur la table à Alger soient gagnant-gagnant pour les deux pays. Dans la rue, on parle de relations banalisées répondant aux marchés et intérêts respectifs et bien compris des deux pays. C'est ce qui, peut-être, convient le mieux aujourd'hui aux relations algéro-françaises, ce qui est assez schizophrénique pour un observateur étranger. Cela contribuera à dépassionner les contentieux psychologiques, apparemment insurmontables, de part et d'autre. D. Bouatta