La refondation dont on a tant parlé, qui revient, ces derniers temps, dans les déclarations des responsables français et algériens au plus haut niveau, aura certainement commencé par cette première journée de la visite d'Etat de M. Chirac. L'accueil réservé par Alger au président Chirac est de ceux qui comptent dans la vie d'un chef d'Etat. Et l'hôte de l'Algérie l'a parfaitement compris qui s'est laissé envelopper, happer, par ces milliers de bras ouverts en signe de bienvenue. Un accueil qui compte, aussi, ô combien, dans l'histoire des relations entre deux nations dont le passé commun compte si peu de pages heureuses et un si grand nombre de chapitres tragiques. Au vrai, entre l'Algérie et la France, il vient de se passer quelque chose de très fort. Derrière l'extrême chaleur des ovations qui ont salué le passage de l'hôte illustre de notre pays, il y avait assurément le message d'un pouvoir émotionnel intense, d'une Algérie qui a pris la résolution d'ouvrir un épisode dans lequel les sombres passages inscrits dans la mémoire collective n'auraient plus le pouvoir d'obérer l'espérance d'un avenir fondé sur d'autres rapports. La refondation dont on a tant parlé, qui revient, ces derniers temps, dans les déclarations des responsables français et algériens au plus haut niveau, aura certainement commencé par cette première journée de la visite d'Etat de M. Chirac. Une journée d'Alger la Blanche que le soleil lui-même n'aura pas boudée, qui ressemblait à un immense printemps. L'Algérie, rendue à elle-même il y a quarante ans, a reçu le premier responsable de l'ancienne puissance coloniale non seulement en ami, mais en hôte de marque. Et le drapeau tricolore ceignant la gerbe de fleurs déposée au sanctuaire des Martyrs par un président qui s'est ensuite longuement recueilli est d'une puissance symbolique qui n'aura échappé à personne. Le symbole d'une relation qui se veut une rupture définitive avec les tempêtes antérieures, les passions même émoussées par le temps. Le symbole d'une réconciliation, mais aussi d'une volonté d'asseoir une amitié durable. Le geste augure de ce traité qui ne sera pas sans rappeler aux mémoires ces retrouvailles franco-allemandes dont la réalisation relevait naguère de l'impossible. Pour le bien des deux nations et des deux peuples qui ont, au-delà des divergences tant d'intérêts à partager, et tant de liens à raffermir, il est impératif que la visite d'Etat de Jacques Chirac soit mise à profit pour ériger un avenir commun sur le socle le plus solide. M. A.