Décidément, la Ligue arabe (LA) n'a même plus la pudeur de se faire oublier. La déconfiture de son dernier sommet n'a pas suffi. Les chefs d'Etats arabes ne veulent même pas attendre que les images de Charm- El-Cheikh soient effacées. Ils veulent se rencontrer de nouveau pour donner encore en spectacle leurs divisions. Qu'est-ce qui a changé chez eux depuis ce fameux 1er mars ? Rien, sinon que Bush continue de déverser ses forces dans la péninsule arabique en travaillant au corps les membres du Conseil de sécurité des Nations unies encore indécis et qu'il compte boucler dans son camp. Le secrétaire général de la LA, l'Egyptien Amr Moussa, a lancé un appel pour reprendre, sans tarder, les travaux du sommet de Charm-El-Cheikh. On est en plein délire. Dans cette très jet-set station balnéaire égyptienne, loin des clameurs populaires, les chefs arabes avaient failli en arriver aux mains. Les principautés du Golfe avaient suggéré publiquement le départ en exil de Saddam Hussein pour éviter la déflagration dans la région. La proposition a été lue par Zayed Ben Sultan Al-Nayhane des Emirats arabes unis (EAU), mais le Libyen El-Kadhafi ne s'y est pas trompé en interpellant violemment le prince héritier de l'Arabie Saoudite, Abdallah. S'en est suivie une véritable foire d'empoigne entre la Libye et les pays du Conseil de coopération (CCG) : Arabie Saoudite, eau, Koweït, Oman et Qatar. Les Saoudiens ont même appelé à renverser El-Kadhafi qui, à leurs yeux, représente une menace plus réelle que celle des va-t-en guerre contre l'Irak. L'Egypte, qui ne désespère pas de retrouver grâce aux yeux des Américains, veut donc remettre en selle la LA. Mais, apparemment, les pays du CCG ne veulent pas démordre de l'idée que leur a insufflée Colin Powell. Ils ont essayé de la vendre à l'OCI (Organisation de la conférence islamique) en précisant que Saddam recevrait l'immunité en échange de son départ et que l'Irak serait administré provisoirement par la Ligue arabe et l'ONU ! On est en pleine politique-fiction. Au lieu de s'opposer à la logique de guerre par l'exigence du respect du droit et de la légalité internationale, comme le fait, par exemple, Jacques Chirac dans son bras de fer avec Bush, les Arabes en sont encore à des solutions despotiques. Ce n'est pas tant le viol des principes internationaux qui les dérange que le projet américain de remodeler la carte politique du Moyen-Orient sur les décombres de Bagdad. La guerre, ils ne la contestent que depuis leur découverte qu'elle vise stratégiquement un bouleversement géopolitique de leur espace. D. B.