Il remet son rapport au président de la République le 30 mars. “La situation des droits de l'Homme en Algérie n'est pas satisfaisante”, déclare maître Farouk Ksentini, pour résumer le contenu du rapport annuel qu'il doit remettre au président de la République le 30 mars. Le président de la Commission nationale consultative de défense et de promotion des droits de l'Homme (Cncdpdh) affirme qu'il s'agit d'une expertise qui englobe beaucoup de questions telles que la Kabylie, les disparus, les dépassements extrajudiciaires, le caractère discriminatoire du code de la famille… En tout, trente chapitres constituent le rapport de la Cncdpdh. Ils reflètent, selon son président, des atteintes parfois très graves aux libertés individuelles et collectives. Sans vouloir dévoiler le contenu exhaustif du document, notre interlocuteur soutient que celui-ci a été élaboré sur la base d'“enquêtes très sérieuses” qui recensent les cas de dépassements qui impliquent des policiers, des magistrats, l'administration… Maître Ksentini parle d'“un Etat de non-droit”. Dans cette situation de Smig démocratique, la liberté d'expression constitue, d'après lui, une bouffée d'oxygène. “Contrairement à d'autres pays, chez nous, tout le monde peut parler librement. C'est positif”, se félicite-t-il. Cependant, face au verrou judiciaire, le président de la commission des droits de l'Homme dénonce ce qu'il considère comme de “la répression excessive” induite par le code pénal. Sur un autre plan, les droits sociaux sont aux yeux de Ksentini également menacés. “L'accès à la santé et à l'enseignement est gratuit. Toutefois, la mauvaise qualité avec laquelle ils sont administrés les remet en cause”, note notre interlocuteur. Au chapitre politique, l'affaire des disparus accapare l'attention de Maître Ksentini. Evoquant le travail effectué par sa commission sur ce sujet épineux, il dit qu'il est centré sur la recherche et les causes des disparitions. A son avis, la raison principale est liée à une “première disparition”, celle de l'Etat qui a été ébranlé dans son autorité par le terrorisme. Ce qui a, d'après lui, engendré le chaos. “Personne ne commandait plus personne”, déplore le président de l'instance consultative. Et là, les pires exactions ont été, selon lui, commises. Cependant, maître Ksentini insiste pour dire que, dans les cas des disparus, il s'agit de dépassements individuels. “Il n'est pas prouvé que les disparitions sont le fait d'institutions”, a-t-il précisé. Quoi qu'il en soit, sa commission a déjà reçu 4 743 plaintes. “Le ministère de l'Intérieur a de son côté recensé 7 030 cas”, affirme maître Ksentini. Pour sa part, le collectif des familles des disparus avance le chiffre de 18 000. Cette organisation accuse ouvertement l'institution policière et militaire d'avoir autorisé les arrestations arbitraires et les enlèvements. Lors de leurs récents séjours à Alger, le président français Jacques Chirac et les responsables de l'ONG Amnesty International ont été vivement interpellés par les familles. Celles-ci considèrent que l'Etat ne fait rien pour les aider à retrouver leurs enfants. Compatissant à leur malheur, maître Ksentini regrette néanmoins pour sa part de ne pouvoir leur prêter main forte. “On n'a pas plus d'informations que vous (la presse, ndlr). Nous ne sommes pas une commission d'enquête”, dit-il désolé. S. L.