Un régime qui tolère, s'il ne les encourage de façon implicite ou explicite, ces actes justifie les craintes exprimées par les auteurs du rapport : les droits sociaux sont menacés. Pour les uns 4 743, pour les autres 7 030 et enfin pour les derniers 18 000 ! “Je cesse de parler quand les mots sont des chiffres”, disait un de nos poètes disparus. Comme il aurait eu raison aujourd'hui de répliquer ainsi à l'énumération de décomptes appliqués à des vies humaines ! S'il n'y avait eu qu'un seul disparu, ç'eût été un de trop. Même si certains font du principe, par ailleurs juste, hélas, selon lequel la politique se moque du malheur, on ne peut, en l'occurrence, distraire l'esprit du peu de cas qui est fait chez nous de ces drames qui frappent des familles entières. Au-delà donc des chiffres qu'il recèle, le rapport sur lequel Me Ksentini n'a livré que des indications sommaires est terriblement inquiétant. Il rend compte, d'abord, d'une situation à tel point dégradée au chapitre des droits de l'Homme qu'elle constitue un justificatif au sentiment d'insécurité qui tenaille le citoyen algérien. Il y a, certes, à l'origine d'un tel constat, des causes connues pour avoir marqué la vie quotidienne du citoyen algérien durant plus d'une décennie. Les exactions du terrorisme islamiste et les réactions qui en étaient la conséquence constituent une grande réserve d'explications. Sauf que l'opacité dans laquelle ont été maintenus les sanglants épisodes de ce combat impitoyable n'est généralement pas de mise dans un pays démocratique. Par ailleurs, le même rapport fait, toujours selon les déclarations de Me Ksentini, une large place aux cas de dépassements commis par les forces de l'ordre dans l'exercice de la répression qui a invariablement été opposé aux revendications du mouvement citoyen en Kabylie. Si la précaution est prise par les auteurs du rapport de les présenter comme des “dépassements individuels”, il n'est pas moins évident qu'ils n'ont pu se produire si les conditions politiques de leur survenue n'avaient été soigneusement réalisées. La responsabilité induite par ces actes qui ont endeuillé la Kabylie ne saurait être attribuée à la seule main qui a tiré ou frappé. Et l'impunité assurée aux auteurs est loin de prétendre à être un signe de magnanimité du pouvoir. En tout état de cause, un régime qui tolère, s'il ne les encourage de façon implicite ou explicite, ces actes justifie les craintes exprimées par les auteurs du rapport : les droits sociaux sont menacés. Il reste à souhaiter, sans trop de conviction, que le fracas de cette sonnette d'alarme soit entendu dans toute son amplitude par ceux qui ont en charge d'assurer la garantie des libertés démocratiques. M. A.