Une réunion intersyndicale est prévue le 7 novembre sur les suites de cette affaire indissociable du contexte du durcissement sécuritaire qui pèse sur tous les aéroports du monde depuis le 11 septembre 2001. Discrimination pour les uns. Impératifs de sécurité pour les autres. Entre une partie des musulmans de France et le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, un malentendu est en train de prendre corps, déjà ponctué par une grève et une manifestation de quelques dizaines de personnes, alors que la justice administrative est saisie d'un certain nombre de plaintes de bagagistes de l'aéroport de Roissy mécontents de voir leur badge d'accès en zone sous-douane retiré. Une réunion intersyndicale est prévue le 7 novembre sur les suites de cette affaire indissociable du contexte du durcissement sécuritaire qui pèse sur tous les aéroports du monde depuis le 11 septembre 2001. Lorsque les twins towers de New York se sont effondrées, une panique générale s'était emparée des autorités aéroportuaires. Les mesures de sécurité n'ont cessé de se durcir depuis, comme le montrent les dernières décisions prises par les Etats-Unis et l'Union européenne. En France, dès le 12 septembre 2001, les autorités s'emparaient du dossier et mettaient en chantier un contrat aéroportuaire de sécurité. Leur préoccupation était grande. À hauteur des failles qui ont été relevées dans le dispositif de sécurité de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, le plus important d'Europe en termes de fréquentation. Souvenons-nous que l'attentat contre l'aéroport d'Alger en août 1992 avait été rendu possible par des complicités qui avaient aussi permis l'intrusion du commando du GIA qui s'était emparé d'un appareil d'Air France à Noël 1994. La plate-forme de Roissy emploie quelque 80 000 personnes. Plus de 700 sociétés privées y interviennent comme prestataires de services en recourant souvent à des personnels intérimaires autorisés à intervenir dans les zones sensibles de l'aéroport. À cause de la politique d'emploi qui oblige les entreprises à recruter dans le bassin de leur emplacement, c'est dans la banlieue nord de Paris, notamment le département de la Seine Saint-Denis, qu'elles puisent. Or, ce département est connu pour abriter la plus forte communauté musulmane de France. On estime à au moins 40%, c'est-à-dire quelques dizaines de milliers, le nombre d'employés musulmans de Roissy. Certains d'entre eux se sont distingués par un activisme qui leur permet d'accéder à des postes de responsabilité et à peser dans les syndicats. Les attentats du 11 septembre y avaient été joyeusement célébrés. Dès le mois d'octobre 2002, l'Inspection générale de l'administration dressait un rapport alarmant sur la menace terroriste. La PAF créait même une nouvelle structure de renseignement chargée de se concentrer sur le risque islamiste. Elle était confiée à Gilles Gézequel, un ancien de la DST, le service du contre-espionnage français. Jusqu'en janvier 2006, des rapports alarmants ont continué d'arriver sur les bureaux des ministères. Ils soulignent la forte exposition de la zone bagages et l'insuffisance de couverture de la zone réservée. Ces rapports censés être confidentiels tombent entre les mains du chef de la droite souverainiste, Philippe de Villiers, qui en fait son miel. Ils serviront de substance à un livre qu'il a publié au printemps dernier sous le titre provocateur les Mosquées de Roissy. Ces rapports semblent avoir motivé la décision de la préfecture de Seine Saint-Denis de retirer à une quarantaine de bagagistes leur badge. Le ministre de l'Intérieur appuie la décision en préférant pécher par un excès de prudence que par un défaut de vigilance. “Il y a 43 personnes à qui nous avons retiré l'habilitation. Il n'y avait là aucun "délit de sale gueule". Il y avait des éléments précis qui nous appelaient à leur interdire l'entrée. Je ne peux pas accepter que des gens qui ont une pratique radicale travaillent sur une plate-forme aéroportuaire”, s'est-il défendu estimant de son “devoir de veiller à ce qu'ils n'aient ni de près ni de loin de liens avec des organisations radicales”. “Peut-être qu'on s'est trompé”, mais dans ce cas, “qu'ils fassent valoir leurs droits devant les tribunaux”, a-t-il ajouté. “Je préfère qu'on ait le risque d'un contentieux devant un tribunal parce qu'on aura été trop sévère pour une habilitation plutôt qu'on se retrouve avec un drame parce qu'on n'aura pas été assez sévère”, a-t-il encore dit. En réponse, le syndicat CGT d'Air France a menacé d'une “action d'ampleur” pour faire cesser des actes qu'il estime “discriminatoires”. Une réunion intersyndicale est prévue le 7 novembre prochain. “Depuis un mois, des dizaines de salariés de confession musulmane sont avertis de l'abrogation de leur titre d'accès en zone réservée et sont en situation de perdre très rapidement leur emploi, sans préavis ni indemnités”, dénonce la CGT dans un communiqué. “Aucun fait précis ne leur a été communiqué qui puisse justifier cette décision préfectorale. On peut en déduire que ces décisions sont fondées uniquement sur des pratiques religieuses”, poursuit le syndicat. Estimant que “toutes ces décisions sont (...) illégales”, la CGT “va saisir le tribunal administratif de Cergy-Pontoise sur le cas de plusieurs salariés. Me Daniel Saadat, avocat de plusieurs bagagistes, annonce pour sa part une audience le 10 novembre devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. L'union locale de la CGT a d'ores et déjà prévu de consulter le même jour les syndicats et sections syndicales CGT de Roissy sur la construction d'une initiative d'ampleur comme réponse à la provocation du préfet et du gouvernement”, souligne le syndicat. Conseiller de Nicolas Sarkozy et président du Conseil des démocrates musulmans de France, Abderahmane Dahmane prend la défense du ministre de l'Intérieur qui, selon lui, ne peut pas être soupçonné un seul instant d'être anti-musulman. “Nous sommes dans une situation dangereuse”, argue-t-il avant d'énumérer les actions positives de M. Sarkozy au profit des musulmans. La dernière est la mise en place d'une commission pour le pèlerinage à La Mecque. Elle permettra un encadrement des pèlerins qui, à l'inverse de ce qui se passe dans les pays musulmans, sont soumis au diktat de rabatteurs juste intéressés par leur argent. En effet, un pavillon français sera mis en place pour les aider dans leurs démarches. Au crédit de Sarkozy, on a cité aussi ses efforts à éteindre les feux de la dissension qui mine le Conseil français du culte musulman et son désir de réviser la loi sur la laïcité de 1905 afin de pouvoir financer la construction des mosquées. Y. K.