Vu de près, de vraies menaces pèsent sur le Maghreb, et elles sont plus nombreuses qu'on ne le pense. D'abord, la menace islamiste et, plus concrètement, celle découlant de sa version radicale. Le mouvement n'est pas une fiction. Al-Qaïda tente de s'implanter aux portes du sud du Maghreb. Les tout derniers agissements du GSPC, qui s'est mis sous la férule de la nébuleuse de Ben Laden après avoir consommé son échec en Algérie, sont eux-mêmes explicites de la menace qui concerne toutes les frontières sahéliennes du sous-continent. Les pays du Maghreb avaient, par ailleurs, saisi toute l'ampleur de ce danger en organisant avec leurs voisins du Sud des manœuvres militaires avec la participation d'experts américains en matière de lutte contre le terrorisme. Il s'agissait de mesurer leurs potentialités face à un phénomène qui n'a pas cessé de se révéler comme transnational. L'islamisme radical cherche à s'incruster dans les vastes régions du Sud, sous-peuplées certes, mais assises sur de multiples richesses et, surtout, des routes stratégiques entre l'Afrique sud-saharienne, le Maghreb et même l'Europe. L'affirmation du président Bouteflika, lors de l'examen de la question de l'aménagement du territoire avec le premier responsable de ce secteur, quant à la nécessité de considérer dorénavant les Hauts-Plateaux comme “la profondeur stratégique” de l'Algérie, requiert toute sa pertinence au regard des menaces qui sourdent du Sud. Comme le sont les actions de développement auxquelles tient le président Bouteflika tels l'achèvement de la route de l'unité africaine, la mise en valeur de gisements aurifères, pétroliers et gaziers, le projet gigantesque algéro-nigérian de pipe-lines devant acheminer les hydrocarbures d'Abuja vers l'Europe tout en permettant aux régions traversées de se moderniser. Parallèlement à la menace islamiste elle-même, le sud du Maghreb est devenu sous la férule de cette dernière un vrai paradis pour les trafiquants en tous genres, des cigarettes aux hommes en passant par la drogue et les armes. Les filières de passage de candidats à l'émigration, de plus en plus nombreux et de plus en plus audacieux, en Europe, risquent de tomber, tôt ou tard, dans l'escarcelle des terroristes. Comme le sont devenus tous les produits prohibés et contrefaits venant de ports de l'Afrique de l'Ouest, de l'Est et même de plus bas. Par ailleurs, c'est en vertu de ce plan que s'interprète aujourd'hui l'exploitation de sentiments régionaux aux confins du Maghreb. La tentative de rallumer la question touareg au Mali en est l'exemple le plus actuel. Une chose est certaine, les ennemis du Maghreb sont aujourd'hui fortement encouragés par la division qui y règne en son sein. Face à ces multiples dangers, les membres du Maghreb n'arrivent toujours pas à accorder leurs violons et pourtant, leurs dirigeants n'ont pas cessé d'attirer l'attention sur la nécessité de revenir à l'UMA pensée à Zéralda en Algérie et fondée symboliquement à Rabat au Maroc. La menace est évidente si on analyse les politiques d'armement dans chacun des pays du Maghreb. Cette course n'obéit certainement pas aux logiques des années du monde bipolaire. Ce n'est pas que la conséquence d'une animosité qui, il est vrai, ne s'est pas estompée. Les pays du Maghreb continuent à fonctionner en solo. Alors, chacun d'eux s'arme comme il l'entend, quitte à s'approvisionner chez les mêmes marchands d'armes ! D. Bouatta