Le travail de mémoire, d'écriture que font les historiens, une minorité spécialisée, souvent en “exil”, reste tributaire des volontés politiques qui pèsent lourdement sur le secret des archives quand elles existent. Est-il trop tôt, comme le suggèrent certains, d'écrire l'Histoire ? Ou trop tard, les mémoires s'amenuisant avec le temps jusqu'à tomber en désuétude pour n'intéresser que les seuls historiens ? Le 1er Novembre reprend son symbole cette année, loin du défilé militaire certes, sous le signe de la réconciliation nationale, avec “soi et son histoire”. Tous les acteurs politiques trouvent inspiration dans cette date-clé, sauf peut-être les acteurs du moment dont une majorité n'est plus de ce monde. Ces derniers préfèrent se taire, le silence qui laisse “l'bir beghtah”. Les rares tentatives ont vite étalé sur la place publique leurs différentes anciennes positions comme des rancœurs vivaces. Le spectacle est offert à la génération post-indépendance, déjà en manque de repères, qui se convainc de se méfier de toutes les lectures quand bien même elles comporteraient de la sincérité. Le travail de mémoire, d'écriture que font les historiens, une minorité spécialisée, souvent en “exil”, reste tributaire des volontés politiques qui pèsent lourdement sur le secret des archives quand elles existent. Des deux côtés, les protagonistes se renvoient la balle dans un jeu qui brouille les cartes et complique davantage le travail d'historiographie au profit de lectures politiques, souvent contestables, qui pervertissent la “vérité” des évènements. Alors que la France relit l'histoire sous la loupe de 2005, l'Algérie se contente de commémorations qui relèguent le colossal travail de mémoire en seconde priorité. En 2006 encore, on parlera d'écriture ou de réécriture de l'histoire de manière solennelle, avant de se rendre compte que ce discours rend de plus en plus imperméables les nouvelles générations qui viennent de sortir d'une “guerre”, d'une autre guerre, trop douloureuse dans ses déchirures pour les plonger dans le lointain passé de leurs grand-pères. Ce défaut de transmission “honnête” de l'histoire qui dure depuis des décennies génère une légitime méfiance générationnelle qui viendra, un jour, sédimenter la rupture entre deux catégories d'Algériens que, psychologiquement, tout sépare. Est-il peut-être encore temps de faire le bilan de l'application de la Déclaration de novembre et laisser ce jeune peuple réagir de lui-même à toutes les lois du 23 février, d'avant 2005 et futures ? D. B.