Malgré l'assurance de nos autorités, la recrudescence d'actes terroristes ne peut pas ne pas nous inquiéter. Avant-hier, le Chef du gouvernement, dans un étrange exercice sémantique, tentait de démentir notre appréhension : non, “le terrorisme diminue” et “la violence augmente”. Des bombes qui explosent aux portes des commissariats de police et sur le passage de convois militaires, comme dans les années 1990, ne seraient-elles que l'expression “la violence (qui) a changé de nature” et non celle d'un terrorisme qui s'amplifie ? Hier, le ministre de l'Intérieur trouvait même une preuve de “faiblesse” dans l'usage des bombes. Le repentir qu'il dit important, même s'il reconnaît qu'“il s'agit d'estimations”, aurait relativement dépeuplé les maquis et réduit la nuisance du “terrorisme résiduel”. Pendant longtemps, on a médiatiquement fait de l'immunité de la capitale la preuve du repli, et donc du reflux du terrorisme. Cet état de grâce était donc à mettre à l'actif d'une réconciliation nationale triomphante. Il fallait encourager l'islamisme dans cette reconversion pacifiste. Dans les institutions, le processus de promotion des élites intégristes était depuis longtemps amorcé. Si bien qu'aujourd'hui, beaucoup de ministères et de directions générales, économiquement stratégiques, sont entre les mains d'activistes islamistes. L'entrisme et le compagnonnage étant des pratiques sociales structurantes, on peut s'imaginer leurs effets en termes de pouvoir dans certains secteurs. Parallèlement, la “bazardisation” commerciale du pays convient parfaitement à la prédisposition culturelle au négoce qui caractérise les milieux islamistes. L'accumulation terroriste, forme criminelle d'enrichissement, a été blanchie par le processus de réconciliation nationale. Il ne restait qu'à réaliser la jonction entre l'affairisme militant et le butin de guerre des rackets, extorsions et autres braquages. Dans la société, la promotion des leaders intégristes, qu'ils soient “modérés” ou “repentis”, a redonné leur autorité aux apparences, au discours et aux pratiques islamistes. Dans certains endroits, des activistes, profitant de l'atmosphère d'insécurité qui accompagne le regain actuel de délinquance, organiseraient la police du quartier. On rapporte qu'à Belcourt, ils recueillent les plaintes des citoyens agressés ou délestés d'un bien et traquent les petits truands du secteur. Il paraît que les braves sont satisfaits et rassurés de trouver un peu de “dawla” grâce aux “frères”. Si cela ne vous rappelle pas une triste époque, toute récente au demeurant, c'est que vous avez définitivement versé dans l'amnésie. Si, malgré 200 000 morts, l'islamisme a récupéré sa légitimité politique, sa puissance financière, son influence et sa capacité d'intimidation de proximité, en quoi la situation serait différente de 1992 ? En deux choses seulement : l'agressivité physique qui, alors, avait aidé à révéler la nature violente de l'islamisme a disparu ; et la capacité de résistance républicaine a été anéantie par la répression subie et les renoncements concédés. Ces obstacles n'étant plus, c'est un boulevard qui s'ouvre devant le projet théocratique. 2006, c'est 1992 sans militantisme démocratique, sans société civile, sans espérance. C'est-à-dire 1992 en pire. M. H. [email protected]