L'Europe, les Etats-Unis et le monde arabe redoutent de vivre, sur leurs sols, un remake des attentats perpétrés contre le siège du gouvernement et deux édifices de la Sûreté nationale à Alger. Des craintes d'autant plus grandes que ces attaques sont signées al-Qaïda. Jamais durant toutes les années où l'Algérie ployait sous la menace constante du terrorisme, un attentat commis sur son sol n'a autant ébranlé les dirigeants et les politiques du monde entier. Peut-être que cette fois-ci, la marque d'al-Qaïda, qui a revendiqué les attaques aux véhicules piégés contre le Palais du gouvernement et deux sièges de la Sûreté nationale, a suscité une prise de conscience quant à l'impossibilité de contenir le terrorisme intra muros. La menace pèse bel et bien sur tous les pays, qu'ils soient riches ou pauvres, arabes musulmans ou occidentaux. D'ailleurs, fait nouveau, les pays ou organisations qui prenaient directement ou indirectement le parti des groupes islamistes armés ont grandement révisé leurs positions – dire plutôt leurs jugements — en condamnant les projets macabres d'al-Qaïda, exécutés mercredi à Alger. C'est bien pour la première fois que l'Iran réagit à un attentat commis par des terroristes islamistes. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mohammad Ali Hosseini, a qualifié l'œuvre d'al-Qaïda d'actes “inhumains et hideux, contraires aux valeurs islamiques et humaines”. Il en est de même pour la Libye qui faisait par le passé la sourde oreille sur la violence qui secouait son voisin. Le Chef du gouvernement libyen, Baghdadi Mahmoudi, n'a pas manqué de joindre par téléphone Abdelaziz Belkhadem pour lui exprimer la condamnation des actes de l'organisation de Ben Laden, qui a transformé trois personnes en bombes humaines ayant coûté la vie à une quarantaine d'Algériens et causé des blessures, de gravité variable, à plus de 200. D'autres Etats appréhendent les attentats d'Alger comme les prémices d'actes similaires susceptibles d'être commis dans leurs propres villes. “Ces attentats confirment que la France est sous la menace d'actes terroristes”, a déclaré le ministre français de l'Intérieur François Baroin. Il a aussitôt évoqué la mise en œuvre d'une “surveillance particulière des permanences des partis et lors des meetings politiques”. Le ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy a parlé, dans le même ordre d'idées, d'une nécessaire et “étroite collaboration entre Paris et Alger” en matière de lutte contre le terrorisme. Même empreint d'un style purement protocolaire, le message du président Chirac à son homologue algérien portait aussi l'expression d'une inquiétude face à la capacité d'une organisation terroriste à frapper n'importe où et n'importe quand. Il a ainsi fait part de la “profonde solidarité du gouvernement français dans la lutte que les autorités algériennes mènent contre le terrorisme international, qui est un combat partagé par nos gouvernements”. Le gouvernement de l'Espagne Luis Rodriguez Zapatero a réaffirmé l'engagement de son pays “à combattre sans répit et avec tous les instruments de l'Etat de droit le fléau exécrable que représente le terrorisme, et réitère au gouvernement algérien, qui consent un louable effort de réconciliation nationale, sa pleine disposition à continuer à développer la coopération bilatérale en la matière”. Au même niveau que les appréhensions des autorités françaises, des experts espagnols craignent que “l'Espagne, et plus particulièrement ses enclaves africaines de Ceuta et Melilla, coure un risque important d'être visée par un attentat islamiste”. Egalement conscient de ne pouvoir mettre le pays tout à fait à l'abri des attaques de la nébuleuse d'al-Qaïda depuis le 11 septembre 2001, l'administration de la Maison-Blanche se met aux côtés de l'Algérie “dans sa lutte contre l'extrémisme et la violence et ses efforts pour instaurer la paix”. Des réactions identiques ont émané de l'OTAN, de la présidence de l'Union européenne, du Parlement européen et du président en exercice de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de plusieurs chefs d'Etat et Premiers ministres européens (le président du Conseil des ministres italiens Romano Prodi, le président russe Vladimir Poutine, son homologue turc Ahmet Needet Sezeret, le ministre des Affaires étrangères canadien, Peter MacKay. Tous ont dénoncé des actes que “rien ne peut justifier”, et ont affirmé leur résolution à “continuer à travailler avec l'Algérie pour lutter contre le fléau terroriste”. Les attentats d'Alger ont aussi fait réagir le Conseil français du culte musulman (CFCM), la présidence du Parlement arabe transitoire, la Ligue arabe par la voix de son secrétaire général Amr Moussa, l'Organisation islamique pour l'éducation, les sciences et la culture (ISESCO) établie à Rabat, l'émir de l'Etat du Koweït, Cheikh Sabah Al Ahmad Al Jaber Al Sabah, et le président de la République égyptienne Hosni Moubarak. Souhila H.